Ils ne sont plus tout à fait des produits de niches mais ne sont pas encore des produits de grande consommation. Les bétons à hautes performances (BHP), bétons autonivelants (BAN), bétons autoplaçants (BAP) et bétons fibrés à ultra-hautes performances (BFUP) trouvent peu à peu leur place dans un monde du BTP réputé conservateur. Ainsi, les premiers BHP apparus à la fin des années 80 ont connu un rapide engouement, du moins ceux présentant des résistances à la compression oscillant entre 30 et 50 MPa. Utilisés principalement pour les structures, ils se caractérisent par une faible porosité et permettent de réaliser des portées plus importantes tout en accélérant le chantier, via un durcissement plus rapide. Les références autour de 30 MPa sont devenues très courantes, si ce n’est la norme. En revanche, pour les bétons prêts à l’emploi (BPE) supérieurs à 40 MPa, les industriels se veulent plus prudents, à l’image de Pierre Laplante, le nouveau directeur général de l’activité BPE de Cemex en France. « Les applications ne sont pas développées comme pouvaient l’espérer les fabricants. Il y a un vrai problème de valorisation de ces produits hors de leur périmètre de marché habituel que sont les bâtiments de grandes hauteurs ou les parkings où ils permettent de réduire la section des piliers. »
Né d’un partenariat entre Lafarge, Bouygues et Rhodia au milieu des années 90, le BFUP représente un autre tournant. Commercialisé en 1998 sous le nom de Ductal, ce produit qui peut dépasser les 200 MPa de compression et atteindre 50 MPa en flexion, ne représente qu’une part marginale des ventes du groupe Lafarge. « C’est une Formule 1 et comme toutes les Formules 1, on ne roule pas avec tous les jours », métaphorise Didier Riou, le directeur général de la branche béton. « Le Ductal intervient sur trois marchés : les ouvrages architecturalement très complexes, les murs en haute portée et le remplacement des ponts. Pour l’heure, ses volumes de ventes ne sont pas significatifs mais nous croyons en son potentiel. »
Même écho chez Vicat, où les ventes du BFUP maison baptisé BCV ne dépassent pas quelques centaines de mètres cubes par an. « Les BFUP doivent être considérés comme les BAN, il y a dix ans, analyse Jean-François Audet, directeur général béton de Vicat. C’est pourquoi, nous faisons un travail didactique auprès des prescripteurs pour qu’ils connaissent les possibilités structurelles et architectoniques de ces produits. »
Chez Eiffage TP, qui développe depuis quelques années un BFUP, le BSI Ceracem, le recours à ce produit serait cependant en passe de devenir « un réflexe ». « C’est avant tout un béton de structure qui réduit le ferraillage, constate René-Gérard Salé, directeur commercial du BSI Ceracem. De plus, dans la plupart de ses applications, nous mettons cinq fois moins de produit pour une résistance six fois supérieure. Dès lors, le prix qui est 10 à 12 fois plus élevé qu’un béton classique n’est plus forcément une barrière insurmontable pour les prescripteurs. » En 2006, 400 m3 de BSI Ceracem ont été produits.
Les BAN et les BAP décollent. Parallèlement aux BFUP, les grands cimentiers ont cherché à améliorer la mise en œuvre des bétons, avec un objectif : éliminer le vibrage. Dix ans après leur apparition, les BAN et les BAP ne cessent d’accroître leur présence sur les chantiers.
Unanimement, les fabricants constatent des progressions des ventes à deux chiffres. Philippe Antoine, le directeur marketing béton de Holcim énumère leurs avantages : « Ils réduisent la main-d’œuvre sur le chantier tout en la facilitant. Ils diminuent la nuisance, notamment sonore, liée au vibrage. Enfin, de par leur formulation riche en laitier, ils sont beaucoup plus clairs et se colorent plus facilement. » Développée depuis deux ans, la gamme Flexcimo de Holcim a doublé ses volumes de ventes chaque année, en misant sur ses qualités architectoniques. Les prescripteurs sont en effet friands des voiles de grandes hauteurs, facilement réalisables avec les BAP. Engouement que confirme Didier Riou, de Lafarge, qui voit son produit Agilia connaître un succès croissant en application verticale : « C’est désormais l’un des principaux facteurs d’achat. Il est en train de supplanter son avantage premier, l’autoplaçance. » En France, les BAP et BAN représentent entre 3 et 7 % des ventes des principaux bétonniers.
Notons enfin que les industriels des produits en béton s’approprient aussi les BAP et les BAN, à l’image de Rector dont la production de poutrelles est réalisée presque intégralement en BAP. Mais pour Daniel Gillmann, le directeur recherche & développement de la marque, la réflexion doit aller au-delà de la simple vue commerciale. « Avec ces nouveaux bétons, la profession a toutes les cartes en main pour proposer une offre constructive globale face aux systèmes en bois ou en métal. Reste à réunir tous les acteurs pour travailler dans le même sens ! »
