Mobilisation générale pour les mal-logés. A deux jours du Sommet social européen devant déboucher sur des mesures concrètes contre la pauvreté, la Fondation Abbé Pierre liste, dans un rapport rédigé avec la Fédération européenne des organisations nationales travaillant avec les sans-abri (FEANTSA), une dizaine de recommandations afin de lutter contre ce phénomène. Certaines visent la construction, la rénovation et les bailleurs sociaux.
Privilégier les « petites unités »
Le document dévoilé ce 5 mai insiste sur la jeunesse. Car selon Eurostat, près de 3 millions de jeunes de moins de 25 ans étaient au chômage en février 2021, soit 230 000 de plus qu’en février 2020. « Pas toujours prioritaires sur les logements sociaux et face à la crise du logement depuis une dizaine d’années, les jeunes se rabattent sur un parc de logements pas adaptés : indécence, précarité énergétique et cohabitation forcée. Ces conditions de logement ont des conséquences néfastes sur le parcours des jeunes vers l’autonomie », commente Sarah Coupechoux, chargée d’étude Europe à la Fondation Abbé Pierre.
D’où la nécessité de « produire des logements étudiants et des petites unités de logement abordables, du logement accompagné pour les jeunes en recherche d’emploi ou entrant sur le marché du travail, multiplier les offres intergénérationnelles ou multiculturelles », lit-on dans le rapport.
Des exemples à suivre ? « Les foyers de jeunes travailleurs en France, les logements partagés avec des personnes âgées en Suède ou avec de jeunes exilés aux Pays-Bas », illustre Sarah Coupechoux.
« Accompagner les propriétaires de logements les plus dégradés »
« Nous souhaitons que les nouvelles normes européennes auxquelles sont soumis les acteurs du bâtiment bénéficient aux ménages les plus précaires. Dans le parc public, cela a été relativement fait ces dernières années. Dans le parc privé locatif, il faudrait davantage accompagner les propriétaires de logements les plus dégradés », explique-t-elle.
Autre message à destination du bâtiment : travaux énergétiques ne doivent pas rimer avec augmentation des loyers. « En Allemagne, des investisseurs institutionnels ont acheté des immeubles pour les rénover puis proposer des tarifs plus importants. Une pratique assez courante dans le cadre de la financiarisation du logement », observe-t-elle.
Sur fond de développement des locations de courte de durée, les grandes villes sont particulièrement touchées par les hausses de loyers, plaçant la jeunesse en position de faiblesse sur le marché locatif. D’Amsterdam, où le loyer moyen pour un deux-pièces est de 1 675€ contre un revenu médian pour les moins de 24 ans de 1 605€, à Lisbonne (1 105€/910€), en passant par Paris, Londres, Barcelone…
« Ouvrir le parc social aux jeunes »
La Fondation Abbé Pierre met également les bailleurs sociaux dans la boucle pour lutter contre le mal-logement des jeunes.
L’association s’inscrit en effet dans la continuité du Conseil Social de l’Union Sociale pour l’Habitat qui milite « pour ouvrir le parc social aux jeunes, promouvoir la connaissance de l’offre de logements sociaux auprès des jeunes et exercer une vigilance particulière sur les jeunes en situation précaire », peut-on lire dans le rapport. Et les rapporteurs suggèrent de prendre exemple sur Pas de Calais Habitat, qui « a instauré des loyers tout-en-un (incluant les charges liées à l’eau, à l’électricité, au gaz) et stables dans la durée, afin de faciliter l’accès de jeunes de moins de 30 ans à son parc ».
Le document met également en avant Bologne, où s’est concrétisé « le premier projet de logement public coopératif italien » dédié aux moins de 35 ans : « 18 appartements ont été rénovés dans un immeuble appartenant à la mairie et situé dans le centre historique de la ville, chaque étage du bâtiment modernisé comptant désormais des services et des espaces partagés. » Les locataires, qui paient un loyer inférieur à la moyenne, s’engagent à rendre un service à la communauté : aides aux devoirs, entretien de jardins publics…
L’inspiration peut également venir de Vienne, où l’on peut accéder au logement public dès 17 ans. Résultat, les moins de 29 ans pèsent 16 % de la population du parc subventionné.
Enfin, la région de Tallinn (Estonie), où « le logement social représente moins de 2 % du stock global de logements », l’accès est donné en priorité aux jeunes familles ainsi qu'aux enseignants, infirmiers et autres travailleurs essentiels, souligne le rapport.