Comment se pose, aujourd'hui, le problème de la gestion des déchets pour les entreprises de construction ?
Le problème des déchets de chantier reste avant tout d'ordre économique. L'élimination des déchets de chantier représente un coût d'environ 2 milliards de francs dans l'état des pratiques actuelles constatées.
Le respect scrupuleux du cadre réglementaire, maintenant établi, occasionnerait 12 milliards de francs de dépenses (soit 3 % du chiffre d'affaires global du secteur du bâtiment). Notre but est, bien sûr, de maîtriser ces coûts par la mise en place de nouvelles pratiques. Par exemple, un tri poussé sur chantier abaisserait ce montant à 6 milliards, et la valorisation des matériaux après ce tri le ferait passer à 4 milliards de francs.
Ces chiffres prennent-ils en compte toute la chaîne ?
Non, pas tout à fait, puisque le transport, par exemple, n'est pas compris. Cet aspect transport illustre bien la complexité de la gestion des déchets. En effet, si une entreprise prend en charge, dans ses propres camions, les déchets d'un chantier qui ne sont pas issus de sa seule intervention, il semble qu'elle doit obéir à la réglementation sur les transports pour des tiers ; elle ne travaille plus en compte propre. D'où la nécessité d'avoir, pour ce type d'activité, une licence particulière, une inscription au registre du commerce.
Comment doit-on aborder cette gestion ?
Par deux voies complémentaires. La gestion sur chantier et la gestion hors chantier. Pour la gestion sur chantier, la clé d'entrée est, à l'évidence, la taille du chantier, et non celle de l'entreprise. La gestion des déchets sur un chantier de petite taille est beaucoup plus difficile à mettre en oeuvre que sur un grand chantier. Les entreprises, qu'elles appartiennent au gros oeuvre ou au second oeuvre, et quel que soit le mode d'attribution du marché, entreprise générale ou lots séparés, doivent trouver des modes de gestion qui, d'une part, respectent la réglementation et, d'autre part, n'engendrent pas de surcoût. Pour cela, elles ne doivent pas abandonner à d'autres professionnels cette mission qu'il leur revient de maîtriser.
La profession, au travers de ses diverses instances, travaille depuis 1992 à cette prise de conscience et, aujourd'hui, nos adhérents sont sensibilisés jusqu'aux artisans et aux petites entreprises que nous souhaitons tout particulièrement accompagner dans la nécessaire évolution de leurs pratiques.
La deuxième composante à maîtriser est celle de la gestion hors chantier. C'est un problème essentiellement de logistique. Globalement, nous avons choisi de développer des solutions collectives gérées par les entreprises et fonctionnant dans un cadre marchand, ce qui n'exclut pas des partenariats forts avec les collectivités locales : ils sont même indispensables. Nous avons, pour cela, conclu un accord-cadre avec la Caisse des dépôts et consignations pour nous aider à développer ces solutions.
Tout cela, bien sûr, va dans le sens de la maîtrise des coûts d'élimination des déchets.
Et vous poursuivez la mise en place des plates-formes de regroupement et centres de stockage dans les régions et départements ?
Effectivement, les solutions que nous mettons en place sont des plates-formes, soit de regroupement uniquement, soit de regroupement et de tri, soit de recyclage de matériaux minéraux, qui peuvent être couplées avec des centres de stockage de classe 3. Nous insistons beaucoup sur la notion de solutions de proximité. Le rayon d'attraction de ces plates-formes est au maximum de 20 km. Nous en sommes à cinq : deux en Saône-et-Loire, une à Auxerre, une près de Saint-Brieuc et celle du Havre, bientôt terminée.
Il faut signaler, par ailleurs, des initiatives très avancées de toute la région Alsace, et les propositions qui se préparent sur le sujet pour répondre à l'appel d'offres de l'Ademe (1). D'ici à la fin de l'année, nous comptons avec confiance sur environ vingt plates-formes mises en place, sans omettre les centres de stockage de classe 3, le tout piloté par les entreprises du BTP.
Quels sont les domaines pour lesquels vous souhaiteriez soit des précisions réglementaires, soit des avancées sensibles ?
Les centres de stockage de classe 3 font partie de ces domaines. Nous aimerions des précisions quant à leur statut : installations classées, soumises à autorisation ou à simple déclaration, installations non classées.
C'est aussi le cas dans les rapports contractuels entre les producteurs de déchets et les éliminateurs. Pour l'instant, dans la majorité des cas, nous ne disposons que de devis et de factures.
Il serait nécessaire d'établir, par exemple, des contrats types définissant les responsabilités de chacun.
Enfin, nous suivons avec attention - et un peu d'inquiétude - les dispositions qui ressortiront des transcriptions en droit français de certaines directives européennes : le projet de directive sur les déchets de chantier; le projet de directive sur les décharges qui pourrait envisager la taxation homogène pour tous les déchets, ce qui conduirait à une survalorisation des voies de traitement; et enfin la directive sur les produits et équipements électriques et électroniques en fin de vie, qui risque aussi d'imposer des taux de valorisation peu réalistes.
Quelles sont vos voies de recherche ?
En dehors des actions d'amélioration de la logistique d'élimination des déchets de chantier dont nous venons de parler, nous avons engagé des actions de recherche dans l'élimination des déchets de peinture, l'élimination et la valorisation des déchets de bois et des déchets de plâtre.
Parallèlement, les trois années qui viennent seront orientées vers l'information et la formation des professionnels par la voie des unions et syndicats professionnels, des fédérations régionales et départementales. Des expériences, comme celle conduite en Auvergne, seront analysées, et les retours d'expérience permettront d'affiner les outils que nous élaborons avec des partenaires comme l'Ademe, la Caisse des dépôts et consignations ou les différents ministères concernés. Plus particulièrement, si l'on se fonde sur l'expérience acquise, nous savons d'ores et déjà qu'il est nécessaire de prévoir une formation sérieuse des compagnons, mais pas seulement en entreprise. En effet, ce sont les intérimaires, les personnels occasionnels qui, non ou mal informés des règles liées à la gestion des déchets de chantier, peuvent faire échouer le plan le mieux préparé.
D'où l'importance de l'information...»
En effet, un gros effort d'information sera orienté vers les entreprises de second oeuvre et de finitions pour lesquelles la notion de déchets est moins facile à cerner.
Enfin, il faudra que nos partenaires jouent le jeu. Que, par exemple, les éliminateurs ne fassent pas, comme sur certains chantiers, payer au même prix une benne triée et une benne non triée. Que les maîtres d'oeuvre et les maîtres d'ouvrage travaillent avec nous pour prendre en compte les coûts d'élimination de nos déchets. Pour eux, d'ailleurs, nous avons déjà travaillé à l'élaboration de deux guides complémentaires issus des initiatives des entreprises de démolition (2).
Dans le cadre des outils pratiques, enfin, nous avons participé, avec l'Ademe et le ministère du Logement, à la mise au point d'un outil informatique, actuellement testé dans la région PACA qui permet d'évaluer la nature, les quantités et les coûts d'élimination des déchets sur chantier, soit à partir d'un descriptif détaillé, soit par la saisie de données plus globales (nature du bâtiment, date de construction...).
(1) Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie. (2) « Audit des bâtiments avant démolition » et « Méthodologie de prescriptions et de choix des offres sur la démolition », disponibles auprès de la direction de l'habitat et de la construction.
PHOTO «La clef d'entrée est la taille du chantier » «Les entreprises doivent maîtriser la gestion des déchets » «Il faut contractualiser les rapports entre producteurs et éliminateurs »