La clause de conciliation préalable contenue dans les contrats d’architecte prévoit qu’avant tout litige sur l’exécution du contrat, le différend est porté devant le conseil de l’Ordre. Par deux arrêts des 28 mars et 23 mai 2007 (1), la Cour de cassation a écarté le jeu de ces stipulations. Si la décision se justifie aisément concernant les procédures conservatoires, elle surprend davantage lorsqu’elle porte sur des demandes au fond. Dès lors, se pose la question de la portée d’une telle clause dont la rédaction gagnerait à être précisée.
Une clause licite mais qui reste controversée. L’examen de la portée des clauses de conciliation préalable pose en préliminaire la question de leur licéité. La référence à la seule liberté contractuelle n’est pas suffisante, s’agissant d’un contrat liant un professionnel à un profane. La question du caractère abusif des clauses de conciliation n’est pas nouvelle (2). Aux yeux des consommateurs, la conciliation préalable est de nature à conférer un avantage excessif au professionnel. Le recours à un ordre professionnel explique également cette défiance. La jurisprudence considère au contraire qu’il n’y a pas lieu de priver le consommateur de la possibilité de trouver une solution amiable au litige, dans la mesure où la clause ne fait pas obstacle à la saisine ultérieure d’une juridiction (3). Seules sont désignées comme abusives, et contenues comme telles au point Q de l’article L.132-1 du Code de la consommation, les clauses obligeant les consommateurs à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges, les privant ainsi de tout recours juridictionnel. La clause de conciliation contenue dans les contrats types de maîtrise d’œuvre n’impose nullement un mode alternatif de règlement des litiges mais uniquement la saisine, pour avis, du conseil régional de l’ordre des architectes. L’impossibilité d’agir en justice n’est donc que temporaire. Cette stipulation apparaît donc licite. Pour autant, sa mise en œuvre ne semble pas acquise, la Cour de cassation se montrant prompte à en écarter l’application.
Après plusieurs années d’hésitations (4), la Cour de cassation a posé le principe selon lequel « la clause d’un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge, dont la mise en œuvre suspend jusqu’à son issue le cours de la prescription, constitue une fin de non-recevoir qui s’impose si les parties l’invoquent » (5). Ainsi, toute action en justice relative à un contrat contenant une telle clause doit être déclarée irrecevable dès lors que la procédure de conciliation préalable n’a pas été respectée. Il est cependant acquis que cette sanction-couperet n’est pas de mise pour les demandes d’instruction formées en référé.
Clarification attendue. L’arrêt du 28 mars 2007 confirme la jurisprudence considérant qu’une action en référé constitue une mesure conservatoire avant tout litige (6). Celui-ci n’étant pas encore né, la clause n’a pas vocation à jouer. Au demeurant, la clause contenue dans le contrat type de l’Ordre exclut ces procédures. Si cette jurisprudence s’impose en matière de demande d’instruction, elle paraît moins évidente pour une demande de provision. L’octroi de celle-ci suppose en effet que la créance du demandeur ne soit pas sérieusement contestable (7). Cela revient à considérer que la responsabilité du défendeur est acquise et, en conséquence, que le litige est né. La clause de conciliation ne devrait-elle pas jouer ? Une clarification est attendue sur ce point.
La position de la haute juridiction apparaît plus audacieuse dans son arrêt du 23 mai 2007. Aux termes de cette décision, la clause a été écartée au motif qu’« elle ne pouvait porter que sur les obligations des parties au regard des dispositions de l’article 1 134 du Code civil (…), qu’elle n’avait pas vocation à s’appliquer lorsque la responsabilité de l’architecte était recherchée sur le fondement de l’article 1 792 ». Ce faisant, le juge se livre à une interprétation restrictive que n’a certainement pas voulue l’ordre national des architectes. En outre, cette position est discutable dans la mesure où l’action du maître d’ouvrage, qu’elle soit fondée sur l’article 1 134 ou sur l’article 1 792 du Code civil, suppose l’existence d’un contrat de louage d’ouvrage. Dans les deux cas, c’est bien à l’occasion de l’exécution du contrat que la responsabilité de l’architecte est envisagée.
Une rédaction à renouveler. La position de la Cour peut néanmoins se justifier à deux égards : d’une part, les dispositions de l’article 1 792 du Code civil sont d’ordre public, applicables quelles que soient les dispositions contractuelles ; d’autre part, tous les débiteurs de la responsabilité décennale ne jouissent pas d’une clause de conciliation préalable dans leur contrat. Or, l’architecte, à raison d’une solvabilité moins aléatoire, constitue un débiteur privilégié en matière de construction. Aussi, la Cour estime-t-elle sans doute inopportun que ce dernier puisse se soustraire à la procédure par le jeu de la clause de conciliation… La décision du 23 mai 2007 pourrait amener l’ordre des architectes à envisager une nouvelle rédaction de la clause pour lui conférer une portée plus générale. Néanmoins, pour éviter une nouvelle censure de la Cour de cassation, les rédacteurs devront veiller au respect de l’article 1 792-5 du Code civil aux termes duquel est réputée non écrite « toute clause d’un contrat qui a pour objet, soit d’exclure ou de limiter la responsabilité prévue aux articles 1 792 et suivants ».