A Saint-Martin-la-Porte (Savoie), dans une caverne de 80 m de long, le premier tunnelier du Lyon-Turin prend lentement forme. Premier ? Pas tout à fait puisqu’entre 2016 et 2019, une autre machine, Federica, a déjà creusé neuf kilomètres de galerie de reconnaissance qui constituent aujourd’hui le tube sud de cette portion de la liaison ferroviaire transfrontalière. Le tunnelier en cours de montage viendra, lui, creuser les 9 km du tube nord entre Saint-Martin-la-Porte et La Praz. Il fait partie des sept engins, cinq en France et deux en Italie, qui construiront le tunnel de base de 57,5 km sous les Alpes.
Une centaine de transports
Construit par l’allemand Herrenknecht pour le groupement d’entreprises mené par Vinci Construction Grands projets, ce tunnelier à la roue de coupe « rouge Savoie » de 10 m de diamètre arrive en pièces détachées sur le chantier. « Nous avons reçu un tiers des éléments de la machine mais il faudra plus d’une centaine de transports pour la livrer en intégralité depuis l’usine », indique Guillaume Lefrère, directeur du chantier au sein du groupement. Côté mise en place, les composants du bouclier sont d’abord reconstitués à l’horizontale avant d’être redressés et assemblés.
Pivoté sur coussin d’air
Une fois achevé, l’avant du tunnelier sera placé dans un berceau, une structure en demi-cylindre, et pivoté de 90 degrés sur coussin d’air pour être placé dans son axe de creusement. « A partir de là, nous monterons le train suiveur, série de remorques contenant les installations électriques hydrauliques nécessaires au fonctionnement du bouclier, le poste de pilotage, le réfectoire ou encore la bande transporteuse qui évacuera les matériaux d’excavation », détaille Guillaume Lefrère. Au final, un mastodonte de 180 m de long et 2300 t conçu pour entamer une roche particulièrement dure.
2000 t de poussée
« La roue de coupe comporte 65 molettes de 21 pouces (environ 50 cm, NDLR) qui vont exercer une pression de 300 à 350 t sur la roche tandis que des vérins de poussée prendront appui sur le revêtement mis en place au fur et à mesure de l’avancée du tunnelier », explique le directeur du chantier. Au total, une pression de 2000 t qui permettra de progresser au sein de la roche à raison de 10 à 15 m par jour. Sur ce tronçon de 9 km, 35 000 voussoirs en béton de 2,20 m de long et pesant 10 t chacun seront posés. Fabriqués à La Chapelle, à l’entrée de la vallée de la Maurienne, ces éléments atteignent 50 cm d’épaisseur voire 60 cm pour ceux qui seront posés dans les zones de faille.
Car le terrain est complexe, comme l’a montré le chantier du tube sud. « C’est tout le bénéfice de cette galerie de reconnaissance qui nous permet de mieux appréhender la géologie, mais la distance entre les deux tunnels étant de 40 m, notre chemin ne sera sans doute pas totalement exempt de surprises », estime Guillaume Lefrère qui envisage le démarrage du tunnelier à l’automne.
Voûte parapluie
A quelques kilomètres de là, à Saint-Julien-Montdenis, c’est un tout autre chantier qui se déroule : le percement de l’entrée du tunnel se fait en méthode traditionnelle.Depuis décembre 2022, une petite moitié des 3 km du lot attribué à Implenia avec NGE, Itinera et Rizzani de Eccher a été creusée. La première partie du chantier, 500 m dans un mélange de blocs rocheux et de terrain très meuble, a nécessité la mise en place d’une voûte parapluie, limitant la progression à 1 m/j. Les équipes sont ensuite entrées dans une zone de roche dure, abattue à l’explosif, qui leur a permis d’accélérer à 4-5 m/j.
Bretelle d’accès
Quatre autres tunneliers sont attendus sur le chantier français du Lyon-Turin où le groupement mené par Eiffage avec Spie Batignolles a pris ses quartiers à Modane en janvier pour passer la frontière italienne. Côté italien, à Chiomonte, Telt construit des bretelles d’accès autoroutières pour faciliter l’accès au chantier. « Tous les travaux sur toutes les plateformes sont aujourd’hui en cours », résume Emmanuel Humbert, directeur de la construction France au sein du maître d’ouvrage.
Le tunnel ne sera pas percé qu’avec des tunneliers. Ainsi, sur le chantier opérationnel (CO) 5 du tunnel de base (à partir de l'attaque de la descenderie de Villarodin-Bourget/Modane, chantier attribué au groupement Eiffage GC / Spie batignolles GC / Ghella /Cogeis), un linéaire de 11 km – soit plus de 1 200 000 m3 de roche à miner - sera creusé à l’explosif. C’est EPC Group qui a remporté le marché, d’un montant de 9 M€ et d’une durée de 5 ans, pour la fourniture des produits pyrotechniques et des services associés, comprenant notamment la fabrication sur site des explosifs au moyen de sa technologie SPUR (Smart Process for Underground Repumping). C’est le 4ème contrat pluriannuel de fourniture d’explosifs pour un CO du Lyon-Turin décroché par EPC Group après ceux des CO6, CO7 et CO8.