Le feuilleton italien s’achève. Après un peu plus d’un an de suspense, entre déclarations contradictoires, tensions et divisions au sein même de la coalition au pouvoir, report de décision, le gouvernement de Giuseppe Conte s’est officiellement déclaré favorable au projet de ligne à grande vitesse entre Lyon et Turin, projet dont le cœur est constitué d’un tunnel transfrontalier de 57,5 km.
C’est par un courrier, reçu le 26 juillet dans la soirée, que l’Inea [l’agence européenne qui gère notamment les programmes de la commission dans le domaine des transports, NDLR] a été informée du feu vert italien. Un accord arrivé in extremis, la date butoir étant fixée au 26 juillet, bien que le président du Conseil, Giuseppe Conte, avait préparé le terrain. En effet, quelques jours plus tôt, il avait expliqué dans une vidéo postée sur Facebook que « le blocage [du projet] coûterait plus cher que de l’achever ».
Changement de position
Le même Giuseppe Conte semble en réalité avoir changé d’opinion sur ce projet qui déchaîne les passions en Italie. Alors qu’à la mise en place de la coalition entre le Mouvement 5 étoiles (contre les grandes infrastructures) et la Ligue (favorables aux grands projets, y compris le Lyon-Turin), en juin 2018, le dossier était géré par le ministre des Transports, Danilo Toninelli, farouchement opposé au Lyon-Turin, Giuseppe Conte s’en est finalement saisi en mars 2019. « Au départ, sa position était très proche de celle de Toninelli, admet un bon connaisseur du projet. Puis, au fil des semaines, il a pris connaissance du dossier, l’a étudié et s’est forgé une idée personnelle sur la question. »
L’aspect financier, qui a été mis en avant, n’est pas étranger à ce changement de position, et à l’orientation claire donnée ce 26 juillet. En effet, bien que controversés, les résultats de l’étude coûts-bénéfices commandée par le ministre Toninelli mettait en évidence que l’arrêt des travaux du tunnel transfrontalier coûterait, dans le meilleur des cas, autour de 3 Mds€. Soit autant que ce que l’Etat italien doit verser pour l’intégralité du projet (35% du coût du tunnel).
Dans le même temps, la Commission européenne a émis sa volonté d’augmenter sa participation financière, passant de 40% actuellement à 55% à l’avenir. Ce qui diminue mécaniquement la contribution de l’Italie.« Cette situation nouvelle a contribué à changer l’appréciation du président du conseil », nous indique-t-on.
Une dernière étape au Parlement
Pour les défenseurs du projet, à l’image de l’association La Transalpine, cette décision est évidemment une bonne nouvelle, « même si de notre point de vue, nous n’avons jamais été réellement inquiets, indique le président Jacques Gounon. Le chantier a continué à avancer les dossiers techniques aussi. La position du Mouvement 5 étoiles et de Danilo Toninelli était davantage un marqueur politique, une minorité déconnectée de l’intérêt écologique par dogmatisme. Une telle position ne pouvait pas mener à l’arrêt d’un projet qui fait l’objet d’un traité binational. D’autant plus que la majorité politique en faveur du projet existe ».
Il reste cependant une étape à passer en Italie. En effet, le dernier mot sur ce sujet reviendra au Parlement italien. Il devrait se prononcer la semaine prochaine – a priori le 7 août - sur la volonté ou non de rompre le traité binational et donc de poursuivre ou non le chantier du Lyon-Turin. Etape symbolique car les représentants des partis favorables (Ligue, PD, Forza Italia…) au projet sont plus nombreux que ses opposants (M5S).
Les défenseurs du Lyon-Turin sont donc confiants sur l’issue du vote. Mais politiquement, il est important, car il constitue « le seul moyen de permettre au M5S de dire à ses électeurs ‘nous avons fait tout ce que nous pouvions, nous nous sommes battus jusqu’au bout’, nous explique un observateur. Ils ne pourront pas être accusés de ‘trahison’ ».