Loi d'orientation des mobilités - Le Sénat rend une copie plus ambitieuse

Voté le 2 avril en première lecture, le projet de loi a été largement amendé. Le secteur des infrastructures espère que les députés suivront leurs collègues.

 

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Les dix plus grands projets du scénario dans la LOM

Il était temps ! Après plus d'un an et demi de travaux et concertations en tout genre, le projet de loi d'orientation des mobilités (LOM) a largement réussi son premier test parlementaire. Le 2 avril, le Sénat l'a adopté par 248 voix pour, 18 contre, et 79 abstentions. La ministre des Transports, Elisabeth Borne, a salué un texte qui « conforte les grands équilibres » défendus par le gouvernement et confirme l'ambition et la priorité données aux transports du quotidien et à la régénération des réseaux existants.

Pourtant, à l'issue des débats sénatoriaux, le projet de loi est très différent de la mouture initiale. Et pour cause : « Elisabeth Borne est arrivée avec un texte présentant des lacunes considérables », s'insurge Hervé Maurey (UC), président de la commission aménagement du territoire et développement durable au Sénat (lire son interview ci-contre). Mettre l'accent sur la transition écologique, régler une partie de la problématique de financement, favoriser davantage les mobilités actives, ne pas oublier les grandes infrastructures… Sur tous ces points, le Sénat a imposé sa vision, parfois contre l'avis du gouvernement. Satisfaits, les acteurs de la mobilité attendent désormais l'examen à l'Assemblée nationale, à partir du 14 mai en commission, puis en séance début juin. « Nous sommes à un moment clé, estime Bruno Cavagné, président de la FNTP. La grande question, c'est de savoir si les députés de la majorité voteront d'une même voix ce que le gouvernement leur dicte ou s'ils feront preuve d'une vraie volonté politique. » Car le risque de « détricotage » du travail mené existe selon lui, alors même que les améliorations sont importantes.

Sécuriser le financement des infrastructures

Une boîte à outils sans moyen. C'est ce que regrettait le Sénat au début des discussions. Le cœur de ses travaux a ainsi porté sur le financement, à commencer par la programmation des infrastructures qui prévoit 13,4 Mds € d'investissements sur ce quinquennat, 14,3 Mds sur le prochain. Pour sécuriser cette trajectoire, les sénateurs ont voulu « sanctuariser » les ressources affectées à l'Agence de financement des infrastructures de transports de France (Afitf). Avec la volonté que cette dernière ne dépende plus de produits « fluctuants et imprévisibles », comme les amendes radars. Le texte voté fige ainsi « l'affectation intégrale » de l'augmentation de la TICPE telle que prévue en 2014, après l'abandon de l'écotaxe, mais jamais appliquée, avec à la clé 1,2 Md € de recettes par an. En revanche, rien n'est prévu encore pour combler les 500 M€ manquants à partir de 2020. Les idées n'ont pourtant pas manqué : possibilité de lever un emprunt, taxe poids lourds…

Pour assurer le suivi de cette programmation, le Conseil d'orientation des infrastructures (COI) fait son retour dans le projet de loi (art. 1er C). Ses missions, son organisation et sa composition (comprenant trois députés et trois sénateurs) seront à préciser par décret. Une clause de revoyure, avec une première révision de la programmation des infrastructures « au plus tard le 30 juin 2022, puis tous les cinq ans », a aussi été intégrée au projet de loi.

- Bruno Cavagné, président de la FNTP : « Réintroduire le COI, sécuriser les financements de l'Afitf, prévoir une clause de revoyure … tout cela est très positif. Nous devons réussir et rester plus mobilisés que jamais pour que ces améliorations soient conservées à l' Assemblée nationale. Car si nous loupons le volet financier, nous loupons la LOM. »

Renforcer les autorités organisatrices

Couvrir tout le territoire par des autorités organisatrices de mobilité (AOM), c'est un des objectifs de la LOM. Le Sénat a cependant apporté quelques précisions. Il a, par exemple, souhaité accorder un délai supplémentaire pour le transfert de la compétence des communes vers les intercommunalités. La délibération doit donc intervenir avant le 31 décembre 2020, et non plus le 30 septembre, pour une mise en application au 1er juillet 2021 (art. 1er ).

Transférer des compétences, c'est bien. Mais avec quels moyens ? Comme le projet de loi initial n'en prévoyait pas, le Sénat a comblé ce vide. Toutes les AOM pourront prélever un versement mobilité sur les salaires. Mais le taux sera limité à 0,3 % lorsqu'elles n'ont pas de service régulier de transport (art. 2). Si cette ressource ne suffit pas, une part de la TICPE leur sera attribuée en complément (art. 2 bis) pour financer les solutions de mobilité.

- Bertrand Pancher, député (UDRL) de la Meuse :« La gouvernance est une question stratégique, pour ne plus avoir de trou dans la raquette sur le territoire. Il faudra garantir des moyens, fixer des objectifs et pourquoi pas des sanctions si on ne les atteint pas. En milieu rural, le financement doit permettre d'apporter des solutions aussi bien aux personnes âgées qu'à l'apprenti qui vient travailler chez le petit artisan, ce n'est pas l'un ou l'autre… »

Ne pas oublier les grands projets

Parmi les trois scénarios de programmation du COI, le Sénat s'est contenté de valider le deuxième, médian et plus raisonnable (voir infographie p. 1 2). Même si certains parlementaires ont pointé un manque d'ambition, tenté d'augmenter les budgets et d'allonger la liste des grands projets programmés par le COI. Au final, seuls deux chantiers sont parvenus à être inscrits noir sur blanc dans le texte voté le 2 avril : la réalisation de la deuxième phase de la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône et la liaison ferroviaire Lyon-Turin. Est ainsi confirmé l'engagement de la France sur la construction du tunnel transfrontalier, « livrable en 2030 », et des voies d'accès.

Les sénateurs ont également répondu à une demande pressante de la part de certains territoires, notamment de collectivités du sud-ouest du pays. Ainsi, le dernier alinéa du rapport annexé indique : « Sur le modèle de la Société du Grand Paris, l'Etat accompagne la mise en œuvre de sociétés de financement permettant l'identification de ressources territoriales nouvelles et de financements innovants, afin d'accélérer le portage et la réalisation de grandes infrastructures. »

- Carole Delga, présidente (PS) de la région Occitanie : « Le Sénat permet de créer des sociétés de financement contre l'avis du gouvernement. Il faut que cette disposition reste. Car, depuis septembre 2017, nous ne parvenons pas à présenterà l'exécutif notre propre projet pour la réalisation des LGV Bordeaux-Toulouse et Montpellier-Perpignan. Alors même que notre modèle économique permet de réaliser ces lignes, tout en permettant une meilleure acceptabilité pour le budget de l'Etat. »

Transférer les petites lignes ferroviaires aux collectivités devient possible

Bonne surprise à la fin des débats, la ministre des Transports a présenté un amendement concernant les petites lignes ferroviaires. Les collectivités locales qui le souhaitent, principalement les régions, auront la possibilité de se voir transférer la gestion de « lignes d'intérêt local ou régional à faible trafic du réseau ferré national ». Elles pourraient, selon les cas, désigner un gestionnaire d'infrastructure pour ces lignes, récupérer des missions relatives à leur développement, leur renouvellement ou à leur entretien, par exemple. Une modification que ne pouvaient pas apporter les sénateurs pour des raisons de recevabilité constitutionnelle.

- Hervé Maurey, sénateur (UC) de l'Eure :« Il y a un an, après la remise du rapport Spinetta, les territoires ont été très inquiets pour la survie de certaines lignes. Il fallait trouver une solution. Les régions qui le souhaitent pourront récupérer la maîtrise d'ouvrage sur ces “petites lignes”, pour assurer l'exploitation, la remise en état du réseau… Cela permet à l'Etat de se désengager financièrement, et aux collectivités de sauver certaines lignes en prenant elles-mêmes les décisions nécessaires. »

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