Une levée de fonds de 225 000€ auprès de business angels et une subvention de 30 000€ de Bpifrance, la banque publique d’investissement : la start-up francilienne Krno, qui traque les fraudes au diagnostic de performance énergétique (DPE) grâce à l’intelligence artificielle (IA), annonce au « Moniteur » qu’elle vient de récolter les premiers fruits de son grand coup médiatique.
En novembre dernier, soit cinq mois seulement après son lancement, elle estimait le préjudice à 21Mds€ ! Un chiffre choc repris par les médias grand public... « Sortons les margoulins ! Le défi de la rénovation énergétique doit être juste. Pour cela, il faut être précis », plaide Ruben Arnold, l’un des quatre cofondateurs, actionnaires à 90%.
Une étude sur un phénomène massif
Sur les 8 millions de DPE analysés par Krno, 1,3 million de logements seraient concernés par des fraudes ou des erreurs. Dans le détail : 6% des biens classés G passaient en F et échappaient donc pour les trois prochaines années à l’interdiction de mise en location en vigueur depuis le 1er janvier pour les G ; 19% des biens classés F devenaient E ; 5,6% des E étaient surclassés en D.
Ruptures de seuil
D’autres études, avant celle de Krno, avaient mis en lumière les imprécisions qui conduisaient à améliorer la note du DPE, en faveur des clients des diagnostiqueurs : les propriétaires.
« Les fédérations professionnelles et la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) savaient qu’il y avait des ruptures de seuil. Par exemple, un bien F très proche de G alors qu’il devrait être G. Le gouvernement n’a pas de solution au problème à part plus de contrôles, par les organismes certificateurs qui n’ont pourtant pas intérêt à sanctionner les mauvais diagnostiqueurs, des fraudeurs ou des professionnels qui manquent de compétences, puisque ce sont leurs clients », explique l’entrepreneur de la tech, qui a récemment obtenu la certification de diagnostiqueur pour réaliser des DPE.
Les premiers clients de Krno sont des propriétaires ou locataires de passoires qui ont des doutes. L’analyse à distance du DPE coûte 97€ TTC. Concrètement, un évaluateur de Krno ou un diagnostiqueur externe « payé à la tâche » traque « les potentielles erreurs, volontaires ou non, liées souvent aux imprécisions du logiciel », poursuit Ruben Arnold.
Ce dernier s’appuie sur des développeurs et experts en IA pour utiliser les données open source, notamment celles de l’Ademe. « Le problème, c’est qu’on ne connait pas les noms du diagnostiqueur et du certificateur », soulève-t-il.
Au service des diagnostiqueurs
Krno vise les « autres consommateurs de DPE comme les banques et assurances de crédits qui n’ont pas d’outil pour savoir si les DPE de leurs clients financés pour un achat immobilier sont fiables ou pas », observe-t-il. A la clé : des centaines de milliers de documents à analyser par an.
Ce changement d’échelle ne sera possible que si la solution de Krno est en mesure de remplacer les évaluateurs. « On entraîne actuellement la machine avec des cas réels de DPE fiables et pas fiables pour en faire un agent IA d’ici quelques mois », promet Ruben Arnold.
A terme, Krno espère séduire des diagnostiqueurs qui gagneraient en productivité, grâce à l’automatisation de certaines tâches, comme le remplissage de certaines cases, pour l’année de construction du logement par exemple. La jeune entreprise ambitionne également de proposer des travaux à l’échelle de l’immeuble. Clients visés : les bailleurs sociaux.