Fermée depuis dix-sept ans, la Fondation Avicenne a retrouvé à l'été 2024 sa vocation d'origine, celle de résidence étudiante. Lauréats de la consultation pour sa réhabilitation lancée en 2005, les architectes Gilles Béguin et Jean-André Macchini avaient été retenus en raison, notamment, de leur parfaite connaissance de l'architecture métallique qui prédomine dans ce bâtiment de la Cité internationale universitaire à Paris (XIVe). Le projet s'était par la suite enlisé dans l'attente d'un montage économique viable.
En 2018, la Régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP) entre dans la danse et parvient à trouver un équilibre financier grâce à des subventions de la Ville au titre du logement social, de la direction régionale des affaires culturelles (Drac) au titre des monuments historiques et au plan de relance de l'Etat. « Pour nous laisser le temps d'amortir cet investissement, nous avons signé un bail civil avec la Cité internationale universitaire de Paris (CIUP) qui reste gestionnaire », indique Daniel Schneider, directeur de la construction et du développement à la RIVP.
« Volontairement spectaculaire ». Construite entre 1962 et 1969 par l'architecte Claude Parent (1923-2016) - grand zélateur de « la fonction oblique » - et le plasticien André Bloc (1896-1966), l'ex-Maison de l'Iran reprenait l'écriture antérieurement utilisée par le duo en 1959, pour la villa Bloc au cap d'Antibes (Alpes-Maritimes). A la Cité universitaire, la présence de carrières en sous-sol avait conduit l'équipe à réduire au minimum le nombre de points porteurs et à alléger autant que faire se peut la structure. « C'est un bâtiment volontairement spectaculaire. Claude Parent et André Bloc ont joué ici sur le côté monumental de l'acier, et non sur son identité industrielle, comme pouvait le faire un Mies van der Rohe », analyse Gilles Béguin, qui a bien connu Claude Parent.
L'exostructure sombre de l'édifice se compose de trois portiques métalliques de 38 m de hauteur et de deux « grilles » de poutres auxquelles sont suspendus les planchers. Les deux entités de quatre étages chacune sont séparées par le retrait du cinquième étage où se trouvait l'appartement de fonction du directeur… habité, en réalité, dans les années 1970, par l'épouse du shah d'Iran, Farah Diba. Un sculptural escalier de secours extérieur à deux volutes inversées les relie. Pour se protéger des nuisances sonores du boulevard périphérique tout proche, la résidence, mono-orientée à l'est avec des loggias, présentait pignons et façade aveugles en panneaux d'amiante-ciment. Reste, néanmoins, que les chambres se révélaient très peu confortables à l'usage, sur le plan thermique autant qu'acoustique…
Lauréate des « Eiffel de l'architecture 2024 » dans la catégorie « Habiter », la rénovation patrimoniale de la Fondation Avicenne a commencé à l'été 2021 par la dépose intégrale des façades pour le désamiantage et la mise à nu du squelette métallique dont le revêtement anticorrosion contenait, en outre, du plomb. « Le bâtiment avait été bien calculé et bien réalisé, avec des pièces soudées sur place. Nous avons simplement renforcé la structure au droit des faiblesses détectées par les vérifications de la note de calcul, ainsi que les pièces trop corrodées. Et nous avons vérifié tous les boulons lors du curage », détaille Gilles Béguin. L'ensemble des garde-corps et des marches de l'escalier ont été changés, des reprises partielles de tôles ont été effectuées.
Parement en fibres- ciment. Par ailleurs, l'intervention des architectes et des bureaux d'études a permis de diviser par trois la consommation d'énergie, en remplaçant les baies de la façade vitrée par des châssis plus performants - respectueux toutefois du calepinage initial - et en isolant par l'extérieur les autres façades à l'aide de panneaux sandwichs. Le nouveau parement en éléments de fibres- ciment, similaires à ceux d'origine, affiche un ton blanc et un gris foncé au cinquième étage, qui vient accentuer l'effet de joint creux.
Après restructuration, le nombre de chambres est passé de 96 à 111. Afin de répondre aux exigences propres au logement social étudiant, celles-ci ont été transformées en studios autonomes de 16 à 28 m² grâce à l'ajout d'une kitchenette et d'une salle d'eau individuelle. A la demande de la Drac, les architectes ont recréé un double biais dynamique de la cloison et de la tête de lit, dans « l'esprit oblique » des chambres d'origine dessinées par Claude Parent. Au cinquième étage, l'ex-appartement de Farah Diba abrite aujourd'hui une colocation. Sic transit gloria mundi.



Informations techniques
Maîtrise d'ouvrage : RIVP.
Maîtrise d'œuvre d'origine : Claude Parent, Mohsen Foroughi, Heydar Ghiaï (architectes) ; André Bloc (plasticien). Maîtrise d'œuvre rénovation : Béguin & Macchini (architecte), Atelier Horizons (paysage).
Etude patrimoniale : Marie-Suzanne de Ponthaud (ACMH). BET : Jaillet-Rouby (structure métallique), Nemo-K (structure et façade), Ethis (fluides, thermique), DJ AMO (économie, désamiantage), Gamba (acoustique).
Principales entreprises : Baudin Chateauneuf et PMN (façades), Rondy Forestier (mobilier).
Surface : 4 675 m² SU.
Calendrier des travaux : de 2021 à 2024.
Coût de l'opération : 24 M€ HT.