En bas de la rampe du parking qui s’ouvre à quelques centaines de mètres de l’Arc de Triomphe, une porte conduit à un immense couloir aux peintures rutilantes. Des caméras de surveillance et des sprinklers jalonnent le parcours en forme de U, sous les plafonds situés à 3,40 m au-dessus du plancher. De part et d’autre, des artisans s’affairent dans leur box de stockage.
Une cordiste du bâtiment comblée
Ce matin, une cordiste de l’entreprise de travaux en hauteur Herroy déploie son matériel, avant de retrouver l’indispensable deuxième ouvrier qui conditionne la sécurité des prestations de peinture, maçonnerie ou étanchéité dans des lieux difficiles d’accès. « Ces locaux ultrasécurisés évitent les risques de mauvaise rencontre, surtout quand on arrive tôt le matin », commente la jeune femme. Le confort s’ajoute à la productivité : « D’ici, je rejoins tous nos chantiers parisiens en moins de 20 mn », témoigne la salariée d’Herroy.

Les locaux de Lockall ont conquis Barbara, cordiste à l'entreprise de travaux en hauteur Herroy.
Ouvertes en septembre dernier, les cellules louées par Lockall ont immédiatement trouvé preneur, à un tarif de 33 euros/m3 et par mois. Une deuxième tranche de travaux en instance portera la surface commercialisée de 7 000 à 12 000 m2 à la fin 2022, après un investissement de 15 millions d’euros de travaux dont environ 40 % dictés par la sécurité incendie.
700 clients en moins d’un an
« Nous surperformons nos objectifs de remplissage », se réjouit Alexis de l’Epine, président de Lockall. En mars 2022 à Lognes (Seine-et-Marne), la start-up a ouvert un second site qui accueille déjà 400 clients, après 7 millions d’euros de travaux dans la réhabilitation d’un bâtiment industriel des années 1990. En moins d’un an, le promoteur d’immeubles pour artisans recense déjà 700 clients.
Alexis de l’Epine aime se définir comme « un caméléon de l’immobilier », capable de reconvertir presque tous les locaux existants pour répondre à la demande des artisans urbains et périurbains en mal de petits ateliers et espaces de stockage, avec deux réserves : « Il faut au minimum 2,5 m de hauteur de plafond, ce qui exclut la plupart des parkings en sous-sol. D’autre part, le stockage des palettes requiert une portance supérieure à 500 kg/m2 ».
Réhabilitations ingrates
Souvent considérés comme difficiles à reconvertir, les entrepôts aveugles, avec des travées de plus de 20 m dépourvues de lumière naturelle, font partie des sites prisés par Lockall. La prédilection pour les réhabilitations complexes s’inscrit dans une vision environnementale dictée par les critères ESG (Environnement, social et gouvernance).
Le stockage forme le produit d’appel d’une offre de services plus large qui inclut les lieux de restauration, salles de réunion, de détente ou de coworking. « Hors services commerciaux et savoir-faire métier, nous ambitionnons de couvrir 80 % des besoins d’un artisan », annonce Alexis de l’Epine. Lockall inclut les démarches administratives comme l’assurance de ses clients.
Maison de l’artisanat
Cette souplesse contraste avec la rigidité du marché, tel que le décrit Alexis de l’Epine : « Il existe de nombreuses cellules de plus de 300 m2, proposés avec des baux de 3, 6 ou 9 ans. Nous répondons aux besoins beaucoup plus modestes ou ponctuels d’une nombreuse population d’artisans indépendants en quête de flexibilité », souligne le président. A Lognes, le BTP contribue au tiers de la demande enregistrée à ce jour.
Sur le site de l’Est parisien, la nouvelle offre suscite un accueil enthousiaste de l’agglomération Paris Vallée de la Marne, qui donne à l’établissement de Lockall le statut d’une « maison de l’artisanat ». L’inauguration officielle aura lieu le 13 septembre prochain.
Assise financière
Pour financer les 250 millions d’euros d’investissements requis par les 20 implantations qu’elle programme dans les cinq ans à venir aux quatre points cardinaux de la région capitale, la start-up bénéficie des fonds injectés par Metric Capital Partners. Cet investisseur a soutenu Alexis de l’Epine après le franchissement d’une première étape : aux côtés de la Société des murs commerciaux (Somurco), qui avait remporté l’appel d’offres lancé par Orange pour l’exploitation de ses sous-sols du Boulevard Haussmann.
La recherche de fonds, pour financer ce projet, a donné naissance à Lockall, majoritairement détenu par Metric Capital Partners. Cet investisseur a déjà apporté 90 millions d’euros de fonds propres à la société qui projette de passer de 20 à 100 salariés en 2027, avec un chiffre d’affaires de 30 à 40 millions d’euros. Des soutiens bancaires complètent l’assise financière de la jeune entreprise.
Crédibilité technique
« Nous avons remporté la consultation d’Orange grâce à la crédibilité technique de notre offre », soutient Alexis de l’Epine, rompu aux problématiques de stockage et d’immobilier commercial. Ancien directeur du développement européen du garde-meubles Shurgard, le créateur de Lockall a également occupé une fonction de développeur, pour l’enseigne de supermarchés Lidl.
Parmi les 20 salariés de l’entreprise, l'équipe travaux a prouvé sa capacité à coordonner les corps d’état séparés, malgré le contexte difficile du premier chantier parisien : des entreprises désorganisées par le covid et un accès par monte-charge. L’opération de Lognes, moins complexe, s’est réalisé dans un marché d’entreprise générale. Décidément, la souplesse fait partie de l’ADN de Lockall, qui joue sur le double sens de son nom : un local dont les portes s’ouvrent par un simple call téléphonique.