Première étape franchie : pour élaborer leur plan de réduction des pollutions lumineuses, les 17 communes du bassin d’Arcachon (Gironde) et du Val de l’Eyre disposent des cartes qui modélisent leurs impacts, à la suite de l’étude conduite par la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). Le parc naturel régional (PNR) des Landes de Gascogne a missionné cette association après avoir remporté un appel à projets de la région Nouvelle-Aquitaine relatif à la trame noire.
Label convoité
Maître d’ouvrage du schéma de cohérence territoriale des trois agglomérations du bassin d’Arcachon et du val de l’Eyre, le Sybarval s’attaque à ses pollutions lumineuses pour rejoindre un club territorial encore fermé : les réserves internationales de ciel étoilé (Rice), label distribué par l’association internationale Dark Sky.
208 espèces réparties dans cinq familles ont fait l’objet d’évaluations nocturnes en hiver et en été, pour cartographier la sensibilité du territoire en quatre classes. « Après avoir comblé les lacunes et biais issus des nombreuses informations collectées par la méthode des sciences participatives, nous avons formalisé le modèle de répartition des espèces à travers un maillage de carrés de 100 m de côté. La corrélation avec les variables environnementales, par exemple la présence de zones humides, permet de projeter des modèles de niches écologiques dans l’espace », développe Clémentine Préau, chargée de mission et analyses de données à la LPO Aquitaine.
Lumière perdue dans le ciel
Avant même l’aboutissement des discussions sur une seconde partie de la mission pour passer du diagnostic à la planification, la LPO rappelle une prescription récurrente : « La lumière perdue par les éclairages tournés vers le ciel crée des impacts très éloignés des sources, sous forme de halos. Nous avons pu le mesurer sur l’île aux Oiseaux, très polluée par le cumul des lampadaires, alors même qu’il n’y en a aucun sur ce site », prévient Aurélien Besnard, coordinateur du service Connaissance de la LPO Aquitaine.
Comme la lumière, le bruit fait l’objet de modélisations cartographiées. En 2018 en démarrant son étude sur le sujet, Alexandre Crochu, chargé des trames naturelles au parc naturel régional du Morbihan, a mesuré l’importance et l’ancienneté des travaux scientifiques : « Dès les années 1970, le canadien Raymond Murray a inventé le concept de paysage sonore, 40 ans après les premières recherches en bioacoustique », rappelle-t-il. Depuis 1932, l’unité mixte scientifique PatriNat (CNRS – MNHM – OFB) recense 1794 publications.
Le bruit manque de règles
Mais en dehors des plans d’exposition aux bruits des aéroports et malgré le guide de référence « Bruit routier et faune sauvage » (Cerema, 2015), les traductions règlementaires restent rares, alors même que les zones sans impact sonore humain se réduisent comme peau de chagrin.
Un outil européen introduit en France par un décret du 26 avril 2002 fournit néanmoins une base commune : l’indicateur Level day evening night (Lden) mesure les impacts des routes par tranche horaire en fonction du trafic moyen, de la densité de poids lourds et de la vitesse maximale autorisée.
Après avoir appliqué cette méthode dans son périmètre, le PNR a croisé la mesure des bruits avec la trame verte et bleue établie en 2008. « La corrélation entre les nuisances sonores et la pression immobilière ne constitue pas une surprise », reconnaît Alexandre Crochu. L’étude mesure le périmètre des isophones dans lesquels se propage le bruit. Mais comment imposer un usage plus sobre des infrastructures, seul moyen pour réduire ces impacts ?
"Noise parties"
Confronté à cet écueil, le PNR a choisi d’inverser l’objet de ses investigations sonores. « Au lieu de la voie anthoropocentrée qui caractérise la plupart des travaux sur le bruit, nous avons suivi l’idée d’établir la trame des chants d’oiseaux », explique le chargé de mission. Baptisées "Noise Parties", des séances de science participative ont abouti à cartographier cette nouvelle trame, dans une commune du parc, à partir de huit espèces communes d’oiseaux aux chants faciles à identifier.
La mobilisation du public a récompensé l’initiative. Pour la traduire sur le terrain, le PNR réfléchit à son application aux abords des carrières installées sur son territoire. Déjà, ses travaux cartographiques nourrissent ses compétences de conseil : « Faute d’application facile aux infrastructures existantes, la trame blanche fonde les avis que nous émettons en qualité de personne publique associée à la planification locale. Nous nous en servons pour alerter les communes sur les secteurs à éviter », témoigne Alexandre Crochu.