Les sols désimperméabilisés livrent leurs premiers secrets

Un guide technique d'aide à la conception des opérations de désimperméabilisation guidera les maîtres d’œuvre et les maîtres d’ouvrage, au premier semestre 2024. Cette publication matérialisera les résultats des recherches et expérimentations conduites depuis 2022 par les 11 parties prenantes du programme Dessert, cofinancé par l'agence de la transition écologique (Ademe).

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Après une désimperméabilisation, le couvert végétal s’installe, y compris en mode "minimal", c'est à dire en laissant faire la nature.

Laisser faire la nature peut présenter un bon bilan coût-avantage, pour réactiver les fonctions des sols artificialisés après leur descellement. Cette conclusion découle de l’observation des trois sites pilotes du programme Dessert, acronyme de Désimperméabilisation des sols, services écosystémiques et résilience des territoires. Le dernier Afterworks du club Urbanisme, Bâti et biodiversité (U2B) en a dressé un bilan d’étape.

Trois sites-pilote

« Nous avons choisi les trois sites pour la diversité de leur climat et des opérateurs concernés », précise Christophe Schwartz, coordonnateur de Dessert et directeur du laboratoire Sols et environnement de Nancy, rattaché à l'Université de Lorraine l’Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae).

Le dépôt autoroutier de Vinci, à Cannes, et le parc Sainte-Marie, à Nancy, représentent les climats méditerranéen et semi-continental, mais aussi les entreprises de travaux publics et les collectivités, visées par Dessert.

Centre de ressources sur la nature en ville situé à l’interface entre ces deux familles d’opérateurs public et privé, Plante & Cité met à disposition du programme un dépôt de bus de l’agglomération d’Angers, où se trouve son siège social. « Cet organisme joue un rôle central dans Dessert », souligne Christophe Schwartz. Par son réseau qui intègre la filière professionnelle du paysage, l’association basée à Angers a orchestré la remontée d’informations issues de  70 opérations de désimperméabilisation mises en œuvre entre 1995 et 2022. Cette source complète les leçons des trois sites pilote.

Quatre modes d’intervention

Pour chacun d’eux, les scientifiques ont étudié quatre modes d’intervention, après enlèvement du revêtement de surfaces et avant de recouvrir les sols désimperméabilisés d’un cortège de graines adaptées aux contextes locaux : le minimal consiste à laisser faire la nature ; un décompactage caractérise l’intermédiaire ; cette intervention s’ajoute à l’épandage d’une couche de compost, dans le maximal… Enfin, le scénario dit de référence, qui correspond à la pratique la plus répandue dans les chantiers de désimperméabilisation, consiste à remplacer les sols excavés par des terres végétales importées et amendées.

Christophe Schwartz
Christophe Schwartz Christophe Schwartz (MIGUET, Laurent)

Résultat : « Le couvert végétal s’installe, y compris en mode minimal », constate Christophe Schwartz. Cet encouragement à l’économie d’énergie et de matériau exogène ne préjuge pas de la qualité des sols désimperméabilisés, au vu des leçons d’un second test : le « Tea bag Index », qui consiste à enfouir des sachets de thé, puis à observer la vitesse de leur décomposition. Cette fois-ci, « le minimal et l’intermédiaire présentent une dégradation plus réduite que le maximal et le scénario de référence », note Christophe Schwartz.

Des maîtres d’ouvrage volontaristes

Cette preuve de la désactivation des fonctions écologiques et des services écosystémiques des sols, après leur période d’imperméabilisation, donne la mesure des enjeux des politiques de sobriété foncière et de renaturation. Sur des surfaces de 100 à plus de 15 000 m2, les 70 opérations examinées par les 11 partenaires de Dessert illustrent la volonté de réparer les dégâts de l’artificialisation. Un nombre croissant de maîtres d’ouvrage partage cet objectif, comme l’indique la forte progression des opérations recensées, sur la période étudiée.

Ces stratégies de reconquête ne bouleversent pas les usages : affectées majoritairement à la voirie, aux parkings et aux cours d’écoles avant leur désimperméabilisation, les emprises conservent ces fonctions à l’issue des chantiers, dans la majorité des cas.

L’étude confirme le volontarisme des maîtres d’ouvrage, très peu nombreux à invoquer des contraintes règlementaires pour justifier leur démarche. La gestion des eaux pluviales et la lutte contre les îlots de chaleur viennent en tête de leurs motivations.

Lacunes scientifiques

« Il existe encore très peu d’acquis scientifiques sur ce sujet », remarque Christophe Schwartz. Annoncé pour le premier semestre 2024 par le consortium de Dessert, le guide d’aide à la conception de travaux de désimperméabilisation ne constitue qu’une étape, pour combler ce vide. Outre les concepteurs et les gestionnaires, il vise les organismes de formation initiale et continue.

Un glossaire précisera certaines notions, comme la différence entre les sols « imperméabilisés » et « scellés » : « Le premier terme se réfère à l’hydrologie ; nous utilisons plus volontiers le second, qui englobe plus largement les effets de l’artificialisation sur les services écosystémiques rendus par les sol », décrypte Christophe Schwartz.

Le coordonnateur de Dessert espère ne pas en rester là. Outre la prolongation du suivi des sites-pilote, le consortium envisage d’enrichir à la faune le champ de ses investigations, à un rythme au moins annuel.

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