Les résultats mitigés de la loi Mobilités

Infrastructures -

Le texte adopté à l'Assemblée nationale promet de bousculer les acteurs des transports et des TP. Entre acquis importants et faiblesses persistantes, son bulletin de notes est, à ce stade, contrasté.

 

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Sous l’égide de la ministre des Transports Elisabeth Borne (au centre), le projet de loi sur les mobilités a été adopté à l’Assemblée nationale.

Le résultat est sans appel : 372 voix pour, 40 contre, sur 556 votants. Après le Sénat en avril, la loi d'orientation des mobilités, la fameuse LOM, a franchi sans encombre l'étape du vote solennel à l'Assemblée nationale, le 18 juin. La ministre des Transports, Elisabeth Borne, n'a pas caché sa « grande satisfaction » à l'issue du scrutin, rappelant le « travail considérable » et « constructif » effectué pour enrichir le projet de loi. Les députés auront en effet consacré plus de 130 heures (une cinquantaine en commission, 80 en séance) à l'étude de près de 6 000 amendements. Cependant, sans remettre en cause le rôle essentiel du texte et certains acquis importants, des voix ne manquent pas de pointer du doigt les « défauts » de la mouture adoptée.

Mention très bien sur les sociétés de projet

Les sénateurs avaient déjà corrigé la copie, en ajoutant la possibilité de créer des sociétés de financement pour les grands projets. Le gouvernement a cependant décidé d'aller plus loin. En séance au palais Bourbon, il a fait adopter un amendement l'autorisant à « prendre par ordonnance, dans un délai de vingt-quatre mois » après la promulgation de la LOM, « toute mesure relevant du domaine de la loi afin de créer un ou plusieurs établissements publics locaux ayant pour mission le financement, sur un périmètre géographique déterminé, d'un ensemble cohérent d'infrastructures de transport terrestre dont la réalisation représente un coût prévisionnel excédant 1 milliard d'euros HT ». Il précise les conditions qu'un projet doit remplir pour être concerné. Une première petite victoire pour les défenseurs de la LGV Bordeaux-Toulouse, entre autres.

Jean-Marc Zulesi, député (LREM) des Bouches-du-Rhône : « C'est le fruit d'un travail réalisé avec l'ensemble des élus locaux et nationaux. Car des projets structurants pour les territoires attendent leur financement. C'est le cas de la LGV Bordeaux-Toulouse, de la troisième ligne de métro toulousaine, ou encore de l'agenda de la mobilité de la métropole Aix-Marseille Provence. Nous avons deux ans pour constituer un outil le plus flexible possible, qui puisse être adapté aux territoires et qui donne la possibilité aux collectivités d'avoir des ressources via une fiscalité dédiée. »

Bon travail sur la mobilité électrique

Les députés confirment l'objectif de neutralité carbone des transports terrestres d'ici à 2050. Pour y parvenir, la fin de la vente de véhicules thermiques est fixée à 2040. En parallèle, plusieurs dispositions doivent favoriser la mobilité propre, notamment électrique. Par exemple, pour atteindre les 100 000 bornes de recharge publiques d'ici à 2022 (environ cinq fois plus qu'à l'heure actuelle), un droit à la prise en habitat collectif est inscrit dans la loi. A partir de 2025, les parkings dans les bâtiments neufs ou rénovés devront impérativement être équipés de bornes (une place par tranche de 20 places existantes). Jusqu'à la fin 2021, les demandes de raccordement aux réseaux publics de distribution électrique pourront être prises en charge jusqu'à 75 % de leur coût.

Christophe Bouillon, député (socialistes et apparentés) de Seine-Maritime : « La LOM ne va pas assez loin concernant l'urgence écologique. En effet, les scientifiques nous alertent sur un moment de bascule en 2030. Or, l'objectif de neutralité carbone est fixé en 2050. Le domaine des transports est l'un des plus énergivores et l'un des plus importants émetteurs de gaz à effet de serre. Si nous n'opérons pas cette bascule plus rapidement, nous n'y arriverons pas. »

Lacunes persistantes concernant les AOM

Brandie comme un étendard par la ministre des Transports, la volonté d'assurer « la bonne desserte de tous les territoires » en améliorant les transports du quotidien était au cœur des préoccupations. Ce principe est bel et bien respecté au terme des discussions sur la LOM par les députés. Des autorités organisatrices de mobilité (AOM) couvriront l'ensemble des territoires. La compétence sera assurée par un binôme intercommunalité-région, à l'horizon 2021. La LOM fournit aussi des outils aux AOM pour mettre en place des services de mobilité (covoiturage, autopartage, régulation du free floating …). Cependant, les députés ont tour à tour supprimé deux dispositions sécurisant les ressources nécessaires aux AOM pour assumer leur mission. Au revoir, donc, la possibilité pour toutes de prélever, même à taux réduit, un versement mobilité. Adieu aussi l'affectation d'une part de TICPE aux territoires dont le potentiel fiscal est faible. Retour au texte initial, la question du financement reste entière.

Didier Mandelli, sénateur (LR) de Vendée, rapporteur de la LOM au Sénat : « Tel qu'adopté par l'Assemblée nationale, le texte répond aux préoccupations concernant les divers sujets autour de la mobilité, mais il ne règle pas tout, et le problème du financementreste essentiel. A vec cette version, seules les collectivités locales bénéficiant d'un tissu économique dynamique pourraient mettre en place des actions. Elle ne répond pas aux problématiques des territoires peu denses, éloignés, qui ont pourtant le plus besoin de mobilité. »

Copie à revoir pour les infrastructures

La programmation pluriannuelle des infrastructures a été maintenue entête du texte. Cependant, son volet financier ne paraît pas non plus à la hauteur, malgré les bonnes intentions. Les députés ont, par exemple, jugé plus sûr de mentionner une enveloppe budgétaire globale sur cinq ans pour l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) : 13,7 milliards d'euros entre 2019 et 2023. Un bon point qui pourrait permettre de lisser les investissements dans la durée. Autre signal positif : l'aérien contribuera au budget de l'Afitf, grâce à l'affectation du surplus des recettes de la taxe de solidarité sur les billets d'avion - dite « taxe Chirac » -, soit 30 à 50 millions d'euros par an. Mais ils sont encore loin les 500 millions manquant à l'appel à partir de 2020. Plusieurs réponses ont pourtant été envisagées -taxe sur le kérosène, possibilité de lever un emprunt, augmentation de la part de TICPE affectée à l'Afitf, etc. -, sans être retenues. De façon quasi systématique, la ministre des Transports, qui pensait obtenir les arbitrages budgétaires lors des débats pour les présenter aux députés, a renvoyé la question des ressources complémentaires au projet de loi de finances (PLF) pour 2020.

Valérie Lacroute, députée (LR) de Seine-et-Marne. « Nous avions plaidé pour un fléchage plus important de la TICPE vers l'Afitf, car, si cet impôt représentera 37 Mds € en 2019, seul 1,2 Md € va au financement des infrastructures. C'est insuffisant et symptomatique du verrouillage budgétaire exercé par Bercy. D'autant que ce n'est pas l'affectation du surplus de la taxe Chirac qui permettra de répondre aux besoins des territoires. »

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