Les RER métropolitains auront une loi cet été

Une loi encadrera la montée en puissance des RER métropolitains. Rapporteur de la proposition à l’Assemblée nationale, Jean-Marc Zulesi lance un appel : « Avant l’examen du texte dans la troisième semaine de juin, emparez-vous-en, pour alimenter le débat ! », a-t-il exhorté les parties prenantes réunies le 12 avril à la première conférence de l’association Objectif RER métropolitains.

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Jean-Marc Zulezi
Président de la commission du développement durable à l'Assemblée nationale, Jean-Marc Zulezi annonce l'examen de sa proposition de loi dans la troisième semaine de juin.

Obsession des acteurs du RER métropolitain, le volet mobilité des contrats de plan leur impose un sprint jusqu’au début de cet été. « Il y a un vrai risque de fracture territoriale, avec une France à trois vitesses : en tête, le Grand Paris ; en second lieu, une poignée de métropoles pilotes ; et derrière, une cohorte d’agglomérations laissées pour compte, avec des études sans débouchés », s'alarme Benoît Lanusse, président de l’association toulousaine Rallumons l’Etoile, fédératrice des forces vives mobilisées par le système de transport décarboné dans la métropole occitane.

Les agglos moyennes arrivent

Au-delà de la dizaine de projets pressentis le 27 novembre dernier par Emmanuel Macron, l’engouement inattendu d’agglomérations moyennes constitue la grande révélation du début 2023. Initiatrice de la conférence accueillie le 12 avril par la revue Villes, rail et transport, l’Association Objectif RER Métropolitains le mesure à travers les adhésions pressenties de collectivités ou associations des bassins de Rouen, La Rochelle, et même Limoges, Pau, Lourdes…

« Sortons du jacobinisme ! N’essayons pas de refaire l’Ile-de-France en plus petit ! », enjoint Alain Jund, vice-président chargé des mobilités à l’Eurométropole de Strasbourg, pionnière française, depuis la mise en service du Réseau express métropolitain européen, le 11 décembre 2022.

Colonne vertébrale ferroviaire

L’enthousiasme ne peut exclure la rigueur. Président de la commission du développement durable à l’Assemblée nationale et rapporteur de la proposition de loi sur les RER métropolitains annoncée en amont de la finalisation des contrats de plan, le député des Bouches-du-Rhône Jean-Marc Zulesi situe d’ailleurs le travail de définition comme le premier objectif de ce texte.

Les débats du 12 avril ont démontré le consensus autour d’un concept de système de transport décarboné dans lequel le mode ferroviaire joue certes un rôle de colonne vertébrale, mais sans exclure le covoiturage, les bus de rabattement et les vélos : « Limiter au fer, cela revient à créer des territoires orphelins qui font le lit du Rassemblement national », alerte Alain Jund.

Partir vite, regarder loin

Le consensus s’exprime aussi sur la progressivité. D’un côté, « ce qu’on veut dans 10 ans, il faut le commencer tout de suite », comme le rappelle Didier Traube, président de Systra France. Mais de l’autre et sans attendre la prochaine décennie, « les 160 lignes de TER qui proposent une fréquence de la demi-heure constituent un socle solide pour les RER métropolitains », souligne Eric Steil, directeur marketing et développement TER à SNCF Voyageurs.

Second objectif de la proposition de loi, « la création des conditions d’une bonne cohabitation entre SNCF Réseau et la Société du Grand Paris (SGP) doit permettre d’associer le meilleur des deux maîtres d’ouvrage de référence », espère Jean-Marc Zulesi.

Un duo à harmoniser

La seconde entité livre son interprétation : « L’amélioration de l’existant relève de SNCF Réseau, et nous prenons le relai pour les infrastructures neuves, ainsi que pour le pilotage et la coordination des maîtrises d’ouvrage. Mais cette dernière hypothèse suppose que le financement nous incombe », édicte Sandrine  Gourlet, directrice des relations extérieures de la Société du Grand Paris (SGP).

Dans la phase de programmation, SNCF Réseau n’abandonne pas pour autant sa compétence de coordination : « Nous savons animer les ateliers – programme de co-construction, comme nous l’avons montré à Lille et Bordeaux », témoigne Isabelle Delon, directrice générale Clients et Services. Mais le gestionnaire de l’infrastructure situe le cœur de sa mission dans sa capacité à garantir la « robustesse du système » qui doit savoir accueillir les distances courtes et longues, les voyageurs et les marchandises.

Satané millefeuille !

Le millefeuille administratif français ajoute une difficulté supplémentaire, dans le délicat travail de définition des frontières entre les compétences : « Le morcellement local complique le montage de projets », soupire Noémie Bercoff. La  directrice générale adjointe de l’activité de conseil d’Egis précise : « L’élaboration d’une vision stratégique urbaine et interurbaine, portée par des institutions différentes, se révèle d’autant plus complexe que les RER métropolitains cherchent à renouer avec les transports du quotidien, longtemps délaissés ».

Démontrée le 12 avril par toutes les parties prenantes, la volonté de relever le défi ouvre des perspectives de marchés parfois insoupçonnées, comme le relève SNCF Gare & Connexions : parmi les 600 gares des villes candidates au RER métropolitain, la filiale de l’opérateur national en identifie une centaine, équipées de traversées piétonnes dangereuses, à remplacer par des tunnels ou des souterrains. Ces chantiers s’ajouteront souvent à des allongements de quais.

Des gares à transformer

« Les RER métropolitains offriront une occasion d’accélérer notre programme d’accessibilité », ajoute Pierre Labarthe, directeur des gares d’Ile-de-France. Selon Gare & Connexions qui inclut dans le décompte les personnes équipées d’une canne ou  d’une poussette, la mobilité réduite touche 40 % des usagers, souvent dissuadés par les chemins complexes. Le maître d’ouvrage des gares n’oublie pas le défi de l’adaptation au changement climatique.

Sur le plan de l’impact environnemental des chantiers d’infrastructure ferroviaire, le Grand Paris Express a ouvert une page qui pourra inspirer les RER métropolitains : pour la première fois, des rails usagés ont fourni la matière première des nouveaux chemins de fer. Saarstahl les a fondus sur son site de Valenciennes. Cette méthode a divisé par trois les émissions de gaz carbonique issues du chantier, tout en sécurisant les approvisionnements. « L’exemplarité écologique doit se manifester non seulement dans le produit, mais dans la manière de le réaliser », estime Sandrine Gourlet.

Des rails recyclés

« Grâce à la volonté de la SGP et de la SNCF, nous avons lancé ce procédé désormais suivi par l’Allemagne, la Belgique, et même l’Inde. Le modèle de l’industrie ferroviaire française se diffuse partout dans le monde », félicite Dominique Chiesura, directeur commercial de Saarstahl Rail. L’industriel en profite pour adresser ce message aux maîtres d’ouvrage des RER métropolitains : « Pensez à intégrer l’impact carbone dans vos appels d’offres ».

Cette prescription pourrait redonner un sens positif à « l’exception française » relevée par Jean-Claude Degand, président d’Objectif RER métropolitains : avec un seul des 70 réseaux recensés par l’association sur le Vieux continent, la France se distingue encore comme la lanterne rouge européenne. Les RER construits en économie circulaire transformeraient l’hexagone en éclaireur vert.

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