Les renouvelables à l’épreuve des réseaux

L’actualité brûlante de la réglementation environnementale 2020 a croisé la trajectoire des 30 prochaines années vers la neutralité carbone, au cours des 11èmes rencontres pour les énergies renouvelables. Trois tables rondes ont émaillé les échanges, ce 25 novembre, sur les thèmes de la relance, de la souveraineté et du bâtiment, pour dérouler un intitulé volontariste : « Tout faire pour que la France tienne ses engagement ».

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Serre solaire
Etude de serre photovoltaïque par le paysagiste Joris Masafont

La question des tuyaux à hydrogène a détendu l’atmosphère, tout en posant les enjeux d’une rencontre foisonnante, à haute valeur ajoutée technique et politique : « Evitons de mélanger le Romanée Conti avec le vin de divers pays de la communauté européenne », met en garde Jean-François Carenco, président de la commission de régulation de l’énergie (Cre).

Aides non budgétaires

Extraite de son intervention d’ouverture des 11èmes rencontres des énergies renouvelables, la métaphore vise à inviter les énergéticiens à réfléchir à la répercussion des coûts de production du MW/h d’hydrogène, soit 300 euros. Peut-on séparer les sources d’énergie qui transitent dans le même tuyau ? Faut-il des tuyaux spécifiques ? Et quelle forme doit prendre le soutien public à une filière non mature ?

Plus que la voie des financements publics tracée par l’appel d’offres en instance à l’agence de la transition écologique (Ademe), le président de la Cre recommande de développer la filière émergeante avec des mécanismes contractuels de type Power Purchase Agreements (PPA) : « Les PPA payent les réseaux et les taxes », souligne Jean-François Carenco.

Gestion intégrée

Pour éclairer la question des infrastructures de transport adaptées à l’hydrogène, GRT Gaz propose de regarder vers les Pays-Bas et l’Allemagne, qui anticipent la reconversion des canalisations aujourd’hui dédiées au gaz naturel. L’acceptabilité plaide pour cette option. « Commençons dès aujourd’hui à planifier, avec une gestion intégrée », recommande Thierry Trouvé, directeur général de GRT Gaz.

Les réseaux s’imposent comme un enjeu clé, pour toutes les énergies renouvelables. « Nous passerons l’hiver sans black-out », a rassuré Jean-François Carenco, dans un hommage au savoir-faire et aux investissements programmés de RTE, gestionnaire du réseau haute tension. Pour continuer à tenir, il approuve le triptyque de la programmation pluriannuelle de l’énergie : sobriété, décroissance du nucléaire, montée en puissance des énergies renouvelables.

95 milliards d’euros pour les réseaux

Mais pour permettre à ces dernières de peser 50 % de la consommation française en 2035, les gestionnaires de réseaux devront provisionner une lourde charge : 35 milliards d’euros pour RTE, 60 milliards pour la moyenne tension gérée par Enedis. « C’est le coût de la transition, allons-y sans hésiter », invite le président de la Cre.

Sur le front de la production, l’élan le plus spectaculaire vient de la mer et du vent, avec les chantiers lancés au large de Saint-Nazaire en 2019, puis de Fécamp cette année, et avant le démarrage de celui de Courseulles au début 2021. « Dès 2019, l’éolien offshore emploie 3000 personnes. Aux trois opérations en cours, correspondent 7000 emplois directs et indirects pendant la construction, en particulier dans les trois usines d’assemblage de Montoir-de-Bretagne, de Cherbourg et du Havre », se réjouit Cédric Le Bousse, directeur des énergies marines renouvelables à EDF.

Fragilités françaises

Verre à moitié vide ou à moitié plein ? Avec 25 % du mix énergétique de 2050 au lieu de 1 % aujourd’hui, le volet éolien offshore du plan de relance européen interroge la place de la France. « Elle devra accélérer pour être au rendez-vous, après les premiers projets. Or, l’actuel PPE fixe un cap modeste pour 2028, et il y a du retard dans les appels d’offres », alerte Vincent Balès, directeur général de WPD Offshore, filiale du producteur allemand d’électricité renouvelable WPD.

Directeur du centre Energie et climat de l’Institut français des relations internationales, Marc-Antoine Eyl-Mazzega confirme les fragilités de la France, dans un contexte d’exacerbation de la compétition internationale autour de la décarbonatation et des énergies renouvelables : « La recherche sur l’hydrogène mobilise trois fois moins de moyens qu’en Allemagne », constate-t-il, avant de pointer une tendance de l’opinion « à dénoncer des technologies qui créent de l’emploi et de la souveraineté ».

Tensions gazières

Ravivés par les récentes annonces sur la Réglementation environnementale 2020 (RE 20/20), les débats sur le gaz révèlent les tensions entre les énergéticiens : pour Jean-Philippe Laurent, directeur de la stratégie d’EDF, « le biogaz ne doit trouver sa place dans le bâtiment que s’il reste un excédent, après les consommations industrielles ».

Sans surprise, les exclus de la RE 2020 expriment leur amertume : « L’absence de référence au gaz renouvelable renforce notre déception, d’autant plus que Méthaneuf offre une solution adaptée au collectif neuf », réagit Bernard Aulagne, président de l’association Coénove, qui regroupe la filière gaz.

L’impasse juridique qui bloque la valorisation des gaz issus de la combustion des déchets urbains nourrit les interrogations de Thierry Trouvé : « Autoriser cette ressource dans les réseaux ne coûterait rien, alors que les acteurs des déchets souffrent », juge le directeur général de GRT Gaz.

Bâtiments hybrides

Le plan Bâtiment durable vient conforter l’argumentation : « Le gaz a sa place dans l’hybridation d’où sortira la mue énergétique du bâtiment », estime son président Philippe Pelletier. L’incompréhension gagne jusque dans les rangs de la majorité parlementaire, à travers la voix de Jean-Luc Fugit, député LREM du Rhône, « surpris que le RE 2020 ne dise rien sur le biogaz ».

Le débat renvoie en partie à la question des infrastructures : « Le droit absolu à l’injection est-il une idée du siècle d’avant », interroge le président de la Cre ? La régulation peut passer, selon Jean-François Carenco, par la limitation ponctuelle de la production d’énergies renouvelables.

Besoin de stabilité

Comment trouver l’équilibre entre production et sécurisation des approvisionnements à un coût acceptable ? Souhaitée par le gouvernement, la renégociation des contrats jugés trop rémunérateurs, signés entre 2006 et 2010 pour le rachat de la production photovoltaïque, illustre un besoin de stabilité : « Evitons absolument le yo-yo des règles, avec pour corollaire la perte de confiance dans la parole de l’Etat », enjoint Dominique Mockly, P-DG de Terega, numéro deux français des infrastructures de stockage et de transport de gaz naturel.

Pour éviter de tels aléas, Marie-Noëlle Battistel, vice-présidente des groupes Energies vertes et Enjeux économiques de la filière énergétique à l’Assemblée nationale, suggère de déconnecter les aides des tarifs d’achats : « Réfléchissons au soutien des filières à l’amont, et finançons la création technologique ! ».

Espoir citoyen

Les embûches, sur le chemin de la transition énergétique, n’ont pas empêché la tonalité optimiste des conclusions des rencontres, formulées par les députés Marjolaine Meynier-Millefer et Jean-Luc Fugit, présidente et vice-président de la mission d’information sur la rénovation thermique des bâtiments. « Entre relance et transition, la France est plutôt bien partie, et les rencontres des énergies renouvelables ont montré une belle dynamique d’acteurs », juge ce dernier.

Pour passer des intentions aux actes, Marjolaine Meynier-Millefer compte sur la prochaine loi issue de la convention citoyenne pour le climat. « Sans tout réinventer, les citoyens exercent une saine et forte pression qui nous aidera à traiter les sujets bloquants et à sortir de l’entre soi, pour expliquer les effets tangibles d’un coefficient qu’on ajuste ».

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