L’unanimité des militants du paysage contraste avec l’émiettement des familles politiques auxquelles s’adresse leur « appel pour le bon gouvernement » : le collectif Paysages de l’après-pétrole (Pap) a réuni les signatures de l’Association des paysagistes conseil de l’Etat, de la fédération nationale des Conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement, des parcs naturels régionaux de France, de la fédération française du paysage et du réseau des Grands sites de France.
Force du collectif
L’accord coule de source, à en croire la philosophe Odile Marcel, présidente du collectif : « De nombreux "papistes" appartiennent aux institutions signataires. Tous partagent la même conviction : la transition se jouera beaucoup autour des métiers de l’aménagement, auxquels la démarche paysagère associe la maîtrise de la concertation, l’enracinement dans l’histoire et la géographie, la multifonctionnalité… L’appel donne à chaque individu l’occasion de démontrer la force du collectif ».
Référence à la fresque allégorique peinte en 1338 à Sienne par Ambrogio Lorenzetti, le thème du « bon gouvernement » cimente la profession, depuis son évocation par la convention européenne du paysage en l’an 2000 : l’artiste précurseur de la Renaissance italienne montre la paix et la prospérité générées par des relations harmonieuses entre ville et campagne, par contraste avec les guerres et les vices qui prolifèrent dans le panneau du « mauvais gouvernement ». « L’équilibre d’une société se mesure à la manière dont elle gère le visible », commente Odile Marcel.
Doubler les troupes
Le doublement du nombre de paysagistes concepteurs, en une décennie, figure parmi les moyens proposés par les signataires, pour réussir une transition harmonieuse, mais aussi pour rattraper un retard : avec un paysagiste pour 33 000 habitants, la France fait partie des cancres de l’Europe, loin derrière l’Allemagne, la Grande-Bretagne et la Suisse qui en recensent un pour 12 000, 14 000 et 16 000 habitants.
Premières bénéficiaires de ces nouveaux moyens humains, les intercommunalités engageraient 125 plans paysagers par an, afin que l’outil puisse couvrir en 10 ans 100 % des 1251 établissements publics de coopération intercommunale de l’hexagone, comme le demande également l’association des paysagistes conseil de l’Etat (voir focus ci-dessous). L’irrigation des territoires bénéficierait de l’appui des plus hautes instances exécutives : une mission interministérielle du paysage se placerait sous l’autorité du Premier ministre.
Du volet au projet
En rupture avec la notion de « volet paysage » séparé du cœur des politiques publiques, les auteurs défendent l’idée du projet susceptible de rendre désirables les grandes causes d’intérêt général : agro-écologie, transition énergétique, rénovation urbaine, prévention des risques naturels, restauration de la biodiversité, décarbonation des mobilités ou protection du patrimoine… « Les industriels qui maîtrisent les énergies renouvelables ne savent pas pour autant les rendre acceptables », développe Odile Marcel.
L’optimisme des auteurs de l’appel renvoie à la trajectoire du collectif Pap, créé en 2014 : « Peu visibles au départ, nous avons connu un déclic de légitimité avec la publication de deux ouvrages aux éditions du Moniteur. Désormais, nous sommes attendus », constate Odile Marcel, consciente des responsabilités provoquées par ce retournement d’image : « Soyons prêts pour le moment où on aura besoin de nous », s’exclame la présidente.