« Le 9 octobre 2019, nous avions les clés. Le 12, nous inaugurions la Grande Halle ! », se souvient Ophélie Deyrolle, directrice d'un nouveau tiers-lieu implanté sur les friches de la Société métallurgique de Normandie (SMN), à Colombelles (Calvados), en périphérie de Caen. Cet atelier électrique composé de deux nefs des années 1950 accolées nécessitait une réhabilitation lourde : le béton avait mal vieilli, la voûte était fragile, le sous-sol pollué.
Si le chantier n'a duré qu'une vingtaine de mois, le dossier a été ouvert dès 2014 par la SEM Normandie Aménagement, créée pour imaginer l'après-SMN. Deux marchés ont été lancés quasi simultanément pour attribuer au même maître d'œuvre, Encore heureux, l'étude de faisabilité et la réhabilitation. Puisqu'elle ne pouvait, sur demande du maître d'ouvrage, intervenir que sur le bâti existant, l'agence d'architecture a proposé de construire à l'intérieur de la plus petite des deux nefs « une boîte en bois, isolée, stable » qui hébergerait sur trois niveaux les espaces de travail. La grande nef de 1 000 m2 resterait, quant à elle, à l'état brut, témoignage du passé industriel. Elle peut désormais accueillir des événements.
Projet collaboratif. Dans le marché, Normandie Aménagement a introduit une note méthodologique. « Créer un tiers-lieu ne se décrète pas, il faut concevoir tout un écosystème dès les phases d'étude », précise Elise Perly, chargée d'opérations. C'est pourquoi une association de préfiguration du projet, le WIP (pour « work in progress »), s'est installée avec ses résidents, futurs usagers potentiels, dans une cité de chantier conçue comme un lieu d'expérimentation et une base de vie.
Encore heureux y tient une permanence, de sorte que tous les acteurs du projet collaborent étroitement. Le chantier est même ouvert au public, avec une programmation culturelle et des visites du site. Cette cohabitation amène des éléments, comme l'emplacement des éclairages, à évoluer à mesure que se dessinent les usages futurs.
Autre particularité : un lot dédié au réemploi. Il s'agit de fournir autant que possible des matériaux issus de chantiers de démolition ou de rénovation situés à proximité et d'accompagner les entreprises dans leur réutilisation. Le lot est attribué en cotraitance au WIP et à Stéphanie Paly, maître d'œuvre indépendante. Avec le concours de Normandie Aménagement, qui gère de nombreuses opérations de démolition, ils vont repérer les matériaux disponibles, les valoriser et les stocker sur place, établir des dossiers techniques compensant l'absence de garantie constructeur, et les intégrer au fur et à mesure dans le chantier.
A l'arrivée, les sanitaires et les radiateurs sont presque à 100 % issus du réemploi, ainsi qu'une petite part de l'isolant, du bois des balcons intérieurs et du carrelage. Le tout déniché à 5 km à la ronde. Si l'économie est modeste, ce fonctionnement collaboratif et cette place accordée au recyclage font de la Grande Halle un chantier pionnier.
Maîtrise d'ouvrage : Normandie Aménagement et EPF Normandie.
Maîtrise d'œuvre : Encore heureux Architectes.
Principales entreprises : Le WIP (réemploi des matériaux), Mastellotto (aménagement d'espaces extérieurs, VRD), Gagneraud-Fautrat (gros œuvre, étanchéité), Cénomane (charpente et ossature bois), Gouelle Menuiserie (menuiseries intérieures, agencement), Flers Méca (métallerie), Pierre SAS (peinture), Courtin (plomberie, chauffage, biomasse, ventilation).
Surface : 3 200 m2.
Début du chantier : janvier 2018.
Livraison : octobre 2019. Montant des travaux : 7,8 M € HT.