La cadre réglementaire européen permet-il de faire de l’achat public durable efficient ?
Personnellement, je suis convaincue que notre cadre légal fonctionne bien car il est flexible dans un monde qui change. En 2014, lors de la publication des dernières directives, le prix était l’élément décisif de plus de 90% des marchés publics. Nous avons fait en sorte de faire baisser l’importance de cet élément afin de poursuivre des objectifs de durabilité, de responsabilité sociale et d’innovation. Dorénavant, le cadre juridique offre tout un tas d’opportunités et de possibilités aux acheteurs publics.
Cela signifie-t-il que la Commission européenne ne prévoit pas de publier de nouvelles directives ?
En effet, nous n’avons pas l’objectif de présenter de nouvelles directives, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, l’adoption d’une directive signifie une négociation entre les 27 pays membres de l’Union européenne qui ont tous des priorités différentes. Ce n’est donc pas une chose aisée. Nous pensons également qu’il est plus efficace et utile d’ajouter des chapelles à la cathédrale. Par exemple, dans les prochains jours, sera voté le Règlement sur les subventions étrangères générant des distorsions sur le marché intérieur. C’est un instrument sans précédent qui permettra de mettre de la transparence sur le système de subvention d’états tiers qui perturbe notre marché européen. La Commission pourra enquêter sur les contributions financières d’un gouvernement de pays tiers à une entreprise et potentiellement empêcher celle-ci de conclure un contrat public.
Les politiques se rendent compte, de façon générale, de l’impact des marchés publics et ajoutent ainsi des dispositions dans les différents textes. On peut se plaindre que toutes ces initiatives soient éparpillées ou, à l’inverse, on peut se réjouir que les marchés publics commencent finalement à être reconnus comme un outil essentiel pour le développement économique, politique, social et écologique de toute l’Europe. Personnellement, je pense que cette méthode ciblée est efficace.
Outre ces textes, comment la Commission européenne accompagne-t-elle les acheteurs pour faire de l’achat public durable ?
Nous mettons à disposition diverses lignes directrices pour encourager l’innovation, l’achat social et bien d’autres sujets. Nous échangeons aussi régulièrement au travers de webinaires et des groupes de travail. Enfin, nous avons le projet de création d’une plateforme interactive et collaborative dans le cadre de l’initiative « big buyers »(1). L’idée est de faire apparaître une pratique européenne des marchés publics. Nous avons le concept de base, un cocontractant, des communautés intéressées, maintenant nous devons mettre le tout en marche. Ces initiatives n’ont toutefois aucune intention de remplacer les pratiques nationales, nous voulons seulement y ajouter une dimension européenne.
(1) Big Buyers for Climate and Environment est une initiative de la Commission européenne visant à promouvoir la collaboration entre les grands acheteurs publics dans la mise en œuvre de marchés publics stratégiques pour des solutions durables.
La présidence française du Conseil de l’UE s’achève à la fin du mois. Que faut-il retenir ?
Cette présidence française a été très ambitieuse, en particulier sur l’instrument relatif aux marchés publics internationaux (IPI). C’est un outil politique nécessaire pour lequel nous avons négocié pendant une dizaine d’années. Il permet à l’Europe de se protéger tout en restant ouverte au monde, car nous voulons les meilleures solutions et elles peuvent venir de partout. L’IPI permet à la Commission, si elle voit un marché extérieur fermé, de négocier son ouverture aux entreprises européennes. Si cette négociation n’aboutit pas, alors la Commission pourra fermer le marché de l’Union européenne à ce pays.
La guerre en Ukraine a de fortes conséquences sur le prix des matériaux, l’approvisionnement en matières premières et plus généralement sur l’exécution des marchés publics. Que prévoit de faire la Commission européenne ?
Nous avons déjà adopté de lourdes sanctions en empêchant les pouvoirs adjudicateurs de conclure un contrat avec un opérateur russe. Ces mesures vont bien au-delà de ce qui s’applique dans le privé. Nous sommes conscients toutefois qu’elles ne sont pas faciles à appliquer. Aussi, des lignes directrices permettant d’adapter les contrats en cours d’exécution sont en préparation. Il y a des limites bien sûr, mais il y a surtout beaucoup de possibilités.