Les maîtres d’ouvrage ont le réflexe Internet

Dématérialisation des appels d’offres, recherche d’informations, gestion de projets en ligne… Les maîtres d’ouvrage, publics comme privés, multiplient les usages d’Internet. Pour autant, l’appropriation de certains outils ne se fait pas sans mal.

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Les maîtres d’ouvrage sont entrés de plain-pied dans l’ère informatique. La dématérialisation des marchés publics, en vigueur depuis le 1er janvier 2005, y est pour beaucoup. « Ils sont désormais contraints de diffuser en ligne leurs appels d’offres et de prévoir les moyens d’y répondre de façon électronique, précise Saïd Assar, de l’Institut national des télécommunications (INT) d’Evry (1). Pour autant, nous sommes encore en phase d’expérimentation, nuance-t-il ; les maîtres d’ouvrage s’approprient progressivement cette nouvelle technologie. » Cette appropriation s’avère d’autant plus difficile que « beaucoup des personnes concernées par la dématérialisation ne connaissent rien à l’informatique », avance-t-il.

Certains ont trouvé une parade : externaliser auprès de plates-formes comme Achatpublic.com ou d’autres, plus locales. « Plutôt que de les laisser partir seules dans la dématérialisation, nous avons proposé aux entités publiques de Bourgogne de mutualiser nos investissements, nos ressources, nos savoir-faire, explique Louis-François Fléry, chef du projet e-Bourgogne. Nous avons voulu transformer la contrainte qui nous était faite en opportunité. » Une salle des marchés régionale a ainsi été ouverte, qui permet à tous, « de la plus petite collectivité de 300 personnes à une ville comme Dijon, de se servir du même outil », souligne-t-il. Dix-huit mois après la mise en service, la salle des marchés fonctionne bien, avec 450 marchés en ligne simultanés, et un nombre impressionnant de téléchargements. « Lorsque nous avons démarré, nous nous sommes vite rendu compte que les agents des marchés publics n’étaient pas des spécialistes des technologies de l’information et de la communication, souligne le chef de projet. Dans nos formations, il a donc fallu repartir des fondamentaux : expliquer comment parcourir un disque dur, zipper un dossier ou encore joindre une pièce. »

Simplifier les outils. Une problématique que tous les acteurs ont rencontrée. La gestion de projets en ligne, par exemple, qui permet à tous les participants d’un même projet d’avoir accès, quand ils le souhaitent, aux documents et plans mis à jour, peine à s’imposer. « Les solutions proposées aux maîtres d’ouvrage ont été de plus en plus riches et complexes, explique Patrice Morard, directeur exécutif de Prosys (2). Pour être convaincants, il a donc fallu proposer un outil plus simple de partage de fichiers, laissant la possibilité aux utilisateurs de paramétrer des fonctionnalités à valeur ajoutée. Mezzoteam, que nous avons lancé en 2005, répond à cet objectif : il est aussi facile d’y accéder que de lancer Windows sur un ordinateur. » Même son de cloche du côté de BuildOnline : « Beaucoup de nos outils, trop techniques, ont connu des échecs », reconnaît Franck Meudec, directeur régional sur l’Europe du Sud. Louis Jacquand, de la direction de la construction et du patrimoine du conseil général des Alpes-Maritimes, expérimente depuis dix mois l’outil de gestion de projet en ligne de BuildOnline, pour la construction du campus Sciences et technologie de l’information et de la communication de Sophia Antipolis. « Cela se justifiait à la fois par la taille du projet – 20 000 m2 de plancher et 45 millions d’euros de travaux – et par la multiplicité des intervenants, avec des bureaux d’études, des architectes, des économistes et des paysagistes dispersés géographiquement, souligne-t-il. En utilisant ce système, notre objectif était triple, ajoute-t-il : accéder à des documents, suivre l’évolution de ces pièces, et disposer d’une messagerie qui garantisse une traçabilité des échanges. » Satisfait du système, Louis Jacquand reconnaît que, « comme pour tout ce qui est nouveau est exceptionnel », il a encore du mal à se donner « le réflexe de son utilisation ».

Autre expérimentation : Logirep (70 000 logements en France) s’est lancé en juin dans l’utilisation d’un service après vente (SAV) en ligne, développé par Bouygues Habitat Résidentiel, pour un immeuble réceptionné en avril. « Il s’agit d’un logiciel qui nous permet de suivre les désordres survenus dans les bâtiments neufs, explique Martine Trigueros, responsable du parfait achèvement de Logirep. Lorsque des locataires nous informent d’un désordre, nous le saisissons dans un tableau ; ensuite, nous pouvons suivre en temps réel la validation de la demande par Bouygues, les demandes d’intervention des entreprises concernées et la réception des travaux. Enfin, je reprends la main pour valider les réparations. »

Pour Alain Risson, président de l’Association pour le développement des e-procédures (Adep), « c’est le transactionnel qui pose le plus de problèmes, car il faut l’alimenter. Mais pour ce qui est de la recherche sur Internet, elle est aujourd’hui banalisée dans la plupart des collectivités ». Ce que confirme notre sondage : 81 % des maîtres d’ouvrage recherchent de l’information juridique ou réglementaire en ligne et 80 % de l’information technique. « Nous faisons tous les jours des recherches sur Internet souligne Jean-Marc Cordier, responsable marchés publics sur l’agglomération de Compiègne ; que ce soit sur des produits, sur des index pour des actualisations de prix, ou sur des entreprises spécialisées, lorsque nous sommes à court de concurrence sur certains marchés. »

Mail et papier. Autre utilisation phare : le mail. « La messagerie est complètement intégrée dans le mode de fonctionnement des organisations », analyse Saïd Assar. « La messagerie constitue notre principale utilisation d’Internet, car elle nous permet de gagner du temps, illustre Franck Benel, directeur de programme de Cogedim Résidences. Nous échangeons beaucoup par mail avec les architectes – qui nous envoient leurs plans – avec les notaires ou les avocats, pour des projets d’actes, ou avec la Socotec, par exemple, pour l’envoi de ses rapports. » Toutefois, Franck Benel reconnaît qu’avec sa clientèle, l’échange d’informations se fait davantage par courrier papier, pour des appels de fonds, notamment. Ce qui n’étonne guère Alain Risson, de l’Adep, pour qui « c’est encore le papier qui a la crédibilité. »

CHIFFRES

65 % des maîtres d’ouvrage souhaitent voir se développer les bases juridiques et réglementaires.

98 % des maîtres d’ouvrage communiquent par e-mail.

79 % utilisent Internet pour partager des plans et des données avec leurs partenaires.

45 % des maîtres d’ouvrage ont déjà reçu une offre dématérialisée.

42 % disposent d'un espace de recrutement sur leur site

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