Les logiciels techniques disponibles en environnement ouvert ne sont pas légion. Ce manque résulte du public concerné par les logiciels métiers : une population ciblée et restreinte, contrairement aux applications bureautiques. Ensuite, ce type de logiciels exige des développements longs et précis, ainsi qu’un enrichissement régulier imposé par l’apparition de nouvelles contraintes techniques et réglementaires. « Pourtant, la demande existe, assure Cédric Leullier, ingénieur structure au sein du bureau d’études Sereba. Une licence monoposte d’un logiciel de calcul s’acquiert près de 5000 euros auprès d’éditeurs comme Graitec ou Tekla. Pour utiliser cet outil, vous devez souvent disposer d’un logiciel de dessin, comme AutoCAD, vendu 3500 euros. L’achat de logiciels techniques est lourd pour une petite structure. Il devient insupportable en cas de besoin ponctuel, lorsqu’il s’agit d’intervenir sur un projet inhabituel. »
EDF a créé son logiciel. Les quelques logiciels déjà disponibles restent étonnants. Savez-vous que les centrales nucléaires et les autres bâtiments sensibles d’EDF sont en partie conçus à l’aide d’un logiciel libre ? « D’emblée, l’idée peut surprendre. Au final, il n’y a rien d’incompatible : qu’il soit libre ou non, un logiciel reste un outil inefficace sans le savoir-faire et les bibliothèques d’éléments », rassure Christophe Durand, ingénieur chef du projet Code_Aster chez EDF R&D. Pour répondre aux besoins d’EDF, ce département a créé en 1983 Aster : un logiciel de « calculs thermo-mécaniques aux éléments finis ». Cet outil permet de prévoir le comportement des structures en fonction des contraintes thermiques et mécaniques, comme peuvent le réaliser certaines entreprises du BTP.
En 2001, EDF a décidé « d’ouvrir le Code_Aster » afin de permettre à n’importe quel bureau d’études et société d’ingénierie de télécharger et d’utiliser gratuitement Code_Aster. Christophe Durand reconnaît que cette décision n’est pas qu’altruiste : « Elle confère à l’outil d’EDF plus de notoriété face aux outils commerciaux. Aujourd’hui, les futurs ingénieurs reçoivent dans les écoles une formation sur Code_Aster. Elle permet d’obtenir une validation par l’usage dans des retranchements jusqu’alors inexplorés par EDF. Enfin, l’approche communautaire permet de mutualiser les coûts de R&D avec d’autres grandes entreprises utilisatrices. » Si aucune collaboration n’est pour l’heure engagée, des acteurs du BTP comme Bouygues Construction, Ingérop, Lafarge ou encore le Centre d’études et de recherches de l’industrie du béton (Cerib) s’intéressent à ce logiciel libre.
« L’exemple de Code_Aster reste isolé. De plus, il est très orienté sur des analyses peu courantes dans le BTP, regrette Cédric Leullier, ingénieur structure au sein du bureau d’études Sereba. Le constat est identique pour les autres logiciels comme Open Cascade. Cette application correspond aux besoins des ingénieurs en automobile ou en aérospatiale. Elle est inefficace pour les études de béton armé ».