Les logements français contaminés par les composés organiques semi-volatils

Une campagne de mesure rendue publique le 11 juin par l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur montre que plus d’un logement sur deux présente une concentration non négligeable de phtalates et autres bisphénol A dans l’air et les poussières.

 

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67 % des substances recherchées dans les poussières au sol sont présentes dans plus d’un logement sur deux.

Pour la première fois en France, une vaste campagne de mesure a été menée pour connaître l’état de la contamination des logements en composés organiques semi-volatils (COSV). Cet ensemble de substances chimiques d’origines diverses, présentes dans l’air et dans les poussières déposées sur les sols de nos intérieurs, présente un risque sanitaire notamment pour les jeunes enfants qui portent leurs mains à la bouche.

Ce travail de recherche a été coordonné par le CSTB et l’Ecole des hautes études en santé publique (EHESP) dans le cadre des travaux de l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur (OQAI), en lien avec le Programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens (PNRPE) et le programme de recherche Environnement-Santé-Travail de l’Anses. L’OQAI a fait le point sur les enjeux de cette contamination lors d’un atelier public le 11 juin à Paris.

Produits de grande consommation et matériaux de construction

Les COSV sont intégrés dans le nombreux produits de grande consommation, pour leurs multiples propriétés (insecticide, plastifiant, conservateur, retardateur de flamme, etc.), mais aussi dans des matériaux de construction et de décoration. On trouve ainsi des phtalates dans les matières plastiques souples des revêtements de sol ou muraux, des câbles électriques, des rideaux de douche… Le bisphénol-A (BPA) est présent dans les plastiques de type polycarbonate et les résines époxydes. Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) font partie des résidus de combustion des appareils de chauffage domestique au charbon ou au bois. Le tributylphosphate (TBP) est un solvant et plastifiant employé dans les revêtements et les peintures. Enfin, les polychlorobiphényles (PCB) aujourd’hui interdits sont encore présents dans de vieux joints d’étanchéité de menuiseries ou de revêtements de sol posés dans les années 1970.

L’ensemble de la population est ainsi exposé à ces molécules via différentes voies : inhalation, ingestion et contact cutané.

Système nerveux et système immunitaire

Parmi les risques sanitaires probables de ces substances, on note des effets sur le système nerveux et le système immunitaire. Certains COSV sont suspectés d’être des perturbateurs endocriniens, entraînant des effets sur le système reproducteur (baisse de la fertilité, malformation, cancer, etc.) ou l’augmentation de l’obésité, par exemple.

Au total, 48 composés différents ont été recherchés dans 145 échantillons de poussières au sol et la mesure de 66 composés dans l’air a été réalisée à partir de 285 filtres à particules. L’ensemble des analyses a été réalisé par le Laboratoire d’études et de recherche en environnement et santé (LERES) à l’EHESP.

Les résultats montrent une forte hétérogénéité des COSV présents dans les logements français, mais on constate que 67 % des substances recherchées dans les poussières au sol sont présentes dans plus d’un logement sur deux. Dans l’air, 53 % des composés recherchés sont détectés dans plus d’un logement sur deux. Certains, notamment les phtalates et les HAP, se trouvent dans quasiment tous les logements, à la fois dans l’air et dans les poussières. D’autres sont peu détectés, comme les pesticides organochlorés et organophosphorés et certains PCB et PBDE. Quelques-uns ne sont jamais détectés. Enfin, les chercheurs notent des différences très importantes entre les concentrations observées, de quelques dizaines de nanogrammes à plusieurs milligrammes par gramme de poussières.

Taux de renouvellement d'air

Les COSV font l’objet de nombreuses publications scientifiques dans le monde entier, notamment depuis une dizaine d’années. Ces publications portent plutôt sur les concentrations dans les poussières au sol ou sur les surfaces que dans l’air. Les concentrations mesurées dans les logements français ont pu être comparées aux données déjà publiées, malgré des techniques de prélèvement et d’analyse souvent différentes. Il ne ressort pas de spécificités françaises en ce qui concerne les concentrations déjà mesurées dans d’autres pays, à l’exception de la perméthrine, du DiBP et du bisphénol-A, dont les concentrations dans les poussières au sol apparaissent supérieures en France.

Cette campagne de mesure des COSV fait partie du projet global ECOS-Habitat, « Expositions cumulées aux composés organiques semi-volatils dans l’habitat », piloté par l’Institut de recherche en santé, environnement et travail (Irset). Les concentrations mesurées seront utilisées pour caractériser les expositions de la population française et les risques associés, en tenant compte des mélanges de composés et de leurs effets sanitaires communs. « Des travaux spécifiques sont également en cours ou prévus, annonce l’OQAI, comme la recherche des relations entre les concentrations en COSV dans l’air et le taux de renouvellement d’air des logements, les caractéristiques des constructions, les habitudes des occupants ou les niveaux socio-économiques des ménages. »

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