Les industriels des déchets veulent sortir du brouillard

Les industriels des déchets attendent impatiemment la réécriture des règles du jeu qui fondent leur viabilité. Le premier verrou à débloquer concerne l’aboutissement d’une mission lancée juste avant son départ par l’ancienne Première ministre Elisabeth Borne, relative au financement et à la gouvernance des filières de responsabilité élargie des producteurs.

Réservé aux abonnés
déchets
La filière déchets attend les conclusions de la mission gouvernementale sur la responsabilité élargie des producteurs.

« Après le constat d’échec, comment rebondir ? » Président de la fédération nationale des activités de dépollution et d’environnement (Fnade), Antoine Bousseau exprime en ces termes la question posée à la mission d’inspection sur les responsabilités élargies des producteurs (Rep), lancée à la veille de son départ par l’ancienne Première ministre Elisabeth Borne.

La mission en phase conclusive

Satisfait de la qualité de l’écoute des ministères de l’Economie et de l’Ecologie mobilisés par Matignon, l’organisation n’attend pas de miracles : « La mission produira un document non décisif. Mais pour modifier substantiellement les règles de l’économie circulaire et la gouvernance des éco-organismes, il faudrait une loi avec une majorité pour l’adopter », souligne le président de la Fnade, dans les  coulisses de son congrès annuel réuni le 7 juin à Paris.

Les disfonctionnements constatés concernent particulièrement les produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment (PMCB) : « L’hétérogénéité des déchets de chantiers s’accorde difficilement avec l’objectif de massification du recyclage », analyse Antoine Bousseau. Face à cet écueil, la filière a prouvé son inertie : les déchetteries publiques composent toujours l’exutoire majoritaire des entreprises du secteur, au grand dam des collectivités qui supportent l’essentiel du surcoût occasionné par le renforcement des obligations de tri.

Les rebondissements du bonus-malus

A l’unisson de l’association Amorce qui représente ces dernières, la Fnade soutient l’idée d’une responsabilisation des éco-organismes à travers l’institution d’un système de bonus-malus. Mais les collectivités accepteraient-elles de soumettre à un tel régime leur propre performance en matière de recyclage ?

Cette question alimentera les  débats qui suivront l’aboutissement de la mission d’inspection des Rep. Plusieurs contrats de concession récents s’inscrivent dans la logique de rémunération indexée sur la performance : pour Suez qu’il représente à la Fnade, Antoine Bousseau cite Montauban, Limoges et La Rochelle.

Le débat sans fin du socle commun

L’incertitude sur l’avenir de la Rep s’ajoute à un autre trou noir : à quelles conditions la France accepte-t-elle le retour au sol de ses déchets organiques ? La réponse se trouve dans le projet de décret dit du « socle commun » sur les matières fertilisantes. Elle conditionne la part des boues de station d’épuration que les collectivités devront se résoudre à incinérer : 15 à 45 % du gisement, selon la Fnade.

En instance de publication depuis décembre dernier, le projet de décret consacrerait deux régimes séparés imposés au monde agricole et aux collectivités. Bien qu’il ferme la porte à des méthaniseurs issus des deux filières, cet arbitrage ne choque pas Antoine Bousseau : « Compte tenu des enjeux de souveraineté alimentaire, la prise en main par le ministère de l’Agriculture ne constitue pas un scandale » à ses yeux. Son point de vigilance, en revanche, concerne « le temps qui passe, et la gabegie sans nom » qui découle du prolongement du statu quo. Il espère une réunion conclusive début juillet avec les parties prenantes.

Frémissements thermiques

L’avenir de la valorisation thermique ouvre un troisième champ de négociation au long cours, pour les industriels des déchets. Leurs espoirs récurrents se fondent sur le développement des incinérateurs de combustibles solides de récupération (CSR), dopés par la guerre en Ukraine : le renchérissement des coûts de l’énergie a créé des conditions favorables à l’équilibre économique de ces usines, surtout lorsqu’elles s’adossent à une demande industrielle de chaleur. La réduction des capacités des décharges joue également en faveur de l'incinération.

Longtemps attendu, ce réveil du marché se manifestera cet automne dans l’inauguration de la chaudière BioSynErgy portée par Suez au Havre. Au sud de Nancy, les CSR remplaceront le charbon pour alimenter les soudières de Novacarb et Solvay, grâce à Suez et Veolia. Cette même filière alimentera la sucrerie Tereos d’Origny-Sainte-Benoîte (Aisne), avec une chaudière installée par Suez, et l’usine Alsachimie de Chalampé (Haut-Rhin), adossée à une installation du groupe Schroll.

L’attente d’un second souffle

« L’évolution des cahiers des charges de l’Agence de la transition écologique (Ademe) facilite l’émergence des projets », se réjouit Antoine Bousseau. Il se félicite de l’ouverture des CSR issus des collectivités aux équipements de cogénération.

Mais l’équation de la rentabilité se heurte au manque de visibilité sur l’avenir des aides publiques. La Fnade évalue les besoins de subventions dans une fourchette de 200 à 300 M€/an pendant quatre ans. Les 100 M€ réservés en 2024 par l’Agence de la Transition écologique (Ademe) ne suffisent pas à sortir de l’incertitude les projets en instance autour de Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux et sur l’ile de la Réunion. « Chaque outil mobilise un coût moyen de 200 M€, et un délai de 5 à 10 ans entre les études et la mise en service », rappelle Antoine Bousseau.

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires