Les chiffres ne laissent place à aucun doute : quatre ans après son entrée en vigueur, la loi Anti-gaspillage et économie circulaire (Agec) a raté son objectif de réduction des tonnages de déchets collectés par les collectivités. Pire : en 2022, le tonnage a franchi pour la première fois les 600kg par an et par habitant pour atteindre 611kg. Or, l’Etat vise une réduction de 15% entre 2020 et 2030.
Moins d’exutoires, plus de déchets
« Après le boom de l’e-commerce occasionné par la pandémie, la fast-fashion a pris le relais. Le mobilier jetable arrive. La part du recyclable, dans les déchets ménagers, stagne sous les 50%, tandis que l’autre moitié du gisement reste à la charge des collectivités », soupire Nicolas Garnier, directeur de l’association nationale de collectivités, associations et entreprises pour la gestion des réseaux de chaleur, de l’énergie et des déchets (Amorce), à l’issue de son colloque annuel sur les déchets, réuni le 23 mai à Paris.
Ces facteurs aboutissent à une chaîne de conséquences que les collectivités encaissent mal : corollaire de la réduction des tonnages des déchets ultimes prévue par la loi, de nombreuses décharges ferment. Logiquement, le coût d’accès à ces exutoires plus rares explose, alors même que la demande augmente. En renforçant les taxes pour dissuader les mises en décharge, l’Etat aggrave la contrainte.
Explosion des coûts
Résultat : « le coût de gestion a augmenté de 20% en trois ans, soit 1,5Md€ ou l’équivalent du Fonds Vert. Autant de marge de manœuvre en moins pour financer la transition écologique », s’étrangle Nicolas Garnier. Amorce identifie un seul gagnant à ce cercle vicieux : Bercy.
D’où cette question posée par l’association : « L’Etat n’aurait-il pas intérêt à pérenniser cette situation ? » Après avoir en vain attendu la réponse d’Elisabeth Borne, Amorce attend celle de son successeur Gabriel Attal, tout en réfléchissant à une action en justice pour inaction environnementale.
Deux poids deux mesures
Les freins à la valorisation aggravent le contentieux. Cet aspect du bilan de la loi Agec se traduit dans le domaine de l’amendement organique des sols, identifié par les collectivités comme un moyen de réduire l’usage des pesticides et de favoriser la rétention d’eau.
« Nous prônons un socle commun pour l’établissement de cahiers des charges vertueux. Mais l’Etat préfère s’en tenir à une réglementation à la tête du client, tolérante à l’égard des agriculteurs et sévère pour les collectivités », dénonce Nicolas Garnier. Pour sortir par le haut de ce débat, Amorce prône la création d’un « observatoire de la connaissance des sols ».
Espoir énergétique
La valorisation énergétique traverse d’autres difficultés. Pour spécialiser cette filière dans les déchets les plus aptes à l’incinération comme le bois ou le plastique, les professionnels misent sur une nouvelle génération d’équipements industriels, spécialisés dans les « combustibles solides de récupération » (CSR). Son développement suppose des accompagnements publics. Des négociations en cours alimentent l’espoir d’Amorce : gestionnaire du fonds chaleur, l’Agence de la transition écologique envisage de dédier une enveloppe de 50 M€ pour les CSR.
Une autre lueur d’espoir provient du ministère de la Transition écologique : il propose d’appliquer des pénalités aux éco-organismes qui n’atteindraient pas leurs objectifs. Cette mesure permettrait de retrouver l’esprit de la loi, qui engage la responsabilité des producteurs, à l’amont des poubelles. Pour arracher la décision, Amorce se prépare à un bras de fer au second semestre, dans le cadre des débats sur la loi de finances 2025.