Au pied de la cathédrale de Chartres (Eure-et-Loir), célèbre dans le monde entier pour le bleu de la Belle Verrière, les visiteurs peuvent prolonger leur découverte à la Galerie du Vitrail ou au showroom Expressions Vitrail, deux émanations de la famille Loire. On peut y admirer des créations d'artistes comme François Morellet, Kim En Joong, Jean-Michel Othoniel, mais aussi celles de Bruno et Hervé Loire, ainsi que de leur père, Jacques, décédé l'an dernier. Car chez les Loire, on est autant artisan d'art qu'artiste. La création représente l'essentiel de l'activité des ateliers, dont un tiers seulement est consacré à la restauration. Sans nul doute l'héritage de Gabriel (1904-1996), peintre et maître verrier dont les œuvres diffusent leur lumière sur tous les continents. Aux Etats-Unis, où il a réalisé plus de 250 projets, on lui doit, à Dallas, les vitraux de la Thanks Giving Square Chapel de l'architecte Philip Johnson, premier lauréat du Pritzker. A Berlin (Allemagne), il a réalisé les 2 300 m2 de vitraux en dalle de verre de l'église du Souvenir conçue par Egon Eiermann. Au Japon, Gabriel Loire est exposé au musée en plein air de Hakone, aux côtés de Pablo Picasso et de Henry Moore. « C'est une belle carte de visite, qui nous confère une certaine renommée là-bas », commente Bruno Loire devant un vitrail de 80 m2 destiné à une école d'infirmières à Osaka, en préparation dans l'atelier familial.

Haute couture. Situés à Lèves, à 2 km de la cathédrale, dans une magnifique propriété dotée d'une ancienne chapelle transformée en résidence pour artistes et d'un parc qui accueille une soixantaine d'œuvres en verre, les ateliers (1 000 m2 au total) ont été conçus en 1946 par Gabriel Loire. « Ils sont particulièrement bien adaptés à notre métier avec notamment une verrière double hauteur », explique Bruno Loire, 63 ans, qui a rejoint l'entreprise familiale en 1986 comme son frère Hervé, 61 ans. « Nous avons eu la chance de travailler pendant dix ans avec notre père et notre grand-père », commente ce dernier en reconnaissant que la transmission sera plus complexe à mettre en œuvre. Formé à l'Ecole nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d'art, Hervé créé et supervise principalement les projets en vitrail traditionnel (plomb ou dalles de verre). De son côté, Bruno est plus spécifiquement en charge des techniques nouvelles comme le fusing, le thermoformage ou la trempe du verre. Ce savoir-faire conduit les ateliers à intervenir pour des clients très divers, comme le couturier Jean-Paul Gaultier pour qui ils réalisent des bustiers en verre pour le prochain défilé.

« Que l'on accompagne un artiste ou un architecte, l'œuvre naît d'un dialogue qui se traduit en maquette à échelle 1/10e puis en carton grandeur d'exécution afin de préparer les gabarits », explique Bruno Loire. « Le projet peut être abordé à travers les aspects artistiques ou techniques comme les exigences propres aux ERP, mais aussi financières car il est fréquent que l'on s'adapte au budget du client », raconte le créateur en précisant que le prix moyen d'un vitrail inséré dans un double vitrage tourne autour de 2 000 €/m2 . Cette approche commence à séduire certains promoteurs comme BFP Immobilier qui vient d'inaugurer à Chartres le Bleu Courtille (Eric Couste Architecture), un immeuble tertiaire identifiable par sa façade-vitrail rétro éclairée par des leds. Une vision technique et contemporaine du vitrail qui offre de nouvelles perspectives à une profession menacée par une possible interdiction du plomb par l'Union européenne.

