Alors que les facteurs de dégradation des routes s'accentuent (hausse du trafic, part croissante des poids lourds et conditions météorologiques extrêmes), le financement de leurs travaux d'entretien et de maintenance est devenu un véritable casse-tête pour les collectivités territoriales. « L'équation est simple, pose François Durovray, président de la commission transports, mobilités, infrastructures de l'Assemblée des départements de France (ADF). La quasi-totalité du réseau routier est gratuite pour les usagers alors que les sociétés concessionnaires des 9 200 km d'autoroutes perçoivent environ 10 Mds € de recettes ! »
Sur près de 1,1 million de km, l'Observatoire national des routes estime à 378 800 km les tronçons gérés par les 101 départements tandis que 705 000 km le sont par 35 000 communes et 1 250 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Or, selon Routes de France, syndicat de spécialité de la FNTP, le coût annuel d'entretien, nécessaire pour la sécurité des usagers et la pérennité des infrastructures, est élevé : de 3 à 4 Mds € pour les routes départementales et de 2 à 3 Mds € pour les communales. Même si les collectivités perçoivent notamment une part de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et se partagent le produit des amendes de police, cela ne suffit pas.
Budgets en baisse. Si, en 2012, la France était classée en tête pour la qualité de ses infrastructures routières par le Forum économique mondial (« The Global Competitiveness Report »), elle pointait à la 18e place en 2019, juste avant la Malaisie. « La crise financière de 2008 a entraîné une réduction de 30 % des budgets consacrés à l'entretien routier, analyse François Durovray. Je crains que la crise actuelle réduise encore les investissements alors que les territoires doivent répondre au même moment à d'importants besoins d'équipements (collèges…) liés à une forte croissance démographique. »
« Avec une moyenne de 25 km de routes par commune, il est temps de changer de modèle économique pour financer l'entretien et la modernisation des infrastructures routières, réclame Frédéric Cuillerier, co-président de la commission transports, mobilités, voirie à l'Association des maires de France (AMF). Nous avions commencé à échanger avec Clément Beaune, lorsqu'il était ministre délégué chargé des Transports, mais tout est actuellement bloqué. » Son alter ego à l'ADF souligne l'urgence de l'enjeu : « Nous devons non seulement maintenir le réseau actuel, mais aussi massifier l'usage de la route avec l'aménagement d'aires de covoiturage, de voies réservées et de gares routières pour les bus. » Quant à l'électrification de la route, elle pose selon lui, la question de la recharge par induction sur une portion du réseau et les investissements nécessaires qui y sont liés. « Inévitablement, avec l'électrification, la TICPE, source de financement, est amenée à disparaître, estime-t-il. Or, pour financer ses transformations, les communes et les départements devront mobiliser 3 à 4 Mds € supplémentaires par an. C'est le moment de se poser les bonnes questions. »
« Diversification des sources de financement ». L'exploration des innovations technologiques, qui comprend aussi les routes solaires (ombrières photovoltaïques sur les infrastructures routières) ou l'optimisation de l'éclairage public fait dire au syndicat Routes de France que « la transition vers un nouveau modèle économique pour les infrastructures routières implique une diversification des sources de financement ».
Les pistes de recettes nouvelles sont multiples. La première porte sur l'augmentation de la part ou sur une meilleure répartition de la TICPE au bénéfice des communes et des départements, ainsi que sur une taxe poids lourds gérée par les collectivités. Les regards se tournent aussi vers les concessions autoroutières. « Je suis favorable à un modèle concessif plus encadré avec la possibilité d'affecter une part de la recette au réseau routier des collectivités territoriales », propose François Durovray, qui imagine cette captation sous forme d'un versement de dotations aux maîtres d'ouvrage (départements, communes et EPCI) par le biais de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France).
Les représentants des collectivités soulignent l'urgence de la mobilisation. « Ce mouvement doit s'engager rapidement avec le nouveau gouvernement afin de permettre à ceux qui ont la charge de l'entretien des routes de bénéficier d'une part plus importante de recettes », martèle Frédéric Cuillerier. Côté ADF, François Durovray complète son propos : « Nous devons travailler sur une solution transpartisane pour être à la hauteur des enjeux de la route des vingt ans à venir. »
Novembre, mois des communes et des départements
Le 106e Congrès des maires et des présidents d'intercommunalité de France se tiendra du 19 au 21 novembre 2024, au pavillon 5 du Parc des expositions de la porte de Versailles à Paris. Quant à la 93e édition des Assises des départements de France, elle aura lieu du 13 au 15 novembre au Centre de congrès d'Angers (Maine-et-Loire).