Les éléments d’équipement simplement adjoints sur un existant, bientôt exclus de la RC décennale ?

L'avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux tente de résoudre les difficultés générées par la jurisprudence de la Cour de cassation depuis 2017 concernant la responsabilité des constructeurs pour la pose d'éléments d'équipement sur existant. La rédaction proposée mériterait toutefois d'être améliorée.

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L'exemple typique est celui de l'installation d'une pompe à chaleur.

Le ministère de la Justice a mis en ligne au printemps un avant-projet de réforme du Code civil concernant ce que les juristes appellent les « contrats spéciaux », c’est-à-dire en fait, les contrats dont il est traité de manière spéciale par le Code civil.

Parmi ceux-là, figure le contrat de louage d’ouvrage de l’article 1710 du Code civil, défini comme « un contrat par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elle », que l’avant-projet propose de renommer « contrat d’entreprise » - ce qui, en matière de construction, ne sera sans doute pas sans poser de problème, s’agissant des contrats de maîtrise d’œuvre par exemple.

Affecter le contour de la RC décennale

Inévitablement et malgré les intentions déclarées des initiateurs de ce projet, ce texte aura pour effet d’affecter le contour de la responsabilité civile (RC) décennale des constructeurs, et par répercussion, celui de l’assurance construction obligatoire.

C’est ainsi qu’il est proposé d’ajouter un alinéa à l’article 1792-7 du code, en vue de sortir du champ d’application de la RC décennale « les éléments d'équipement installés sur existant ».

Une jurisprudence décriée

L’intention est louable et ne saurait qu’être approuvée : il s’agit de revenir sur la jurisprudence, initiée par un arrêt rendu par la 3e chambre civile de la Cour de cassation le 15 juin 2017 (Cass. 3e civ, 15 juin 2017, n° 16-19640, Bull.)aux termes de laquelle, la simple adjonction d’un élément d’équipement dissociable destiné à fonctionner sur un ouvrage existant, serait éligible au régime de la RC décennale des constructeurs et donc également à l’assurance construction obligatoire.

On cite habituellement le changement d’un ballon d’eau chaude ou d’une chaudière, l’installation d’une pompe à chaleur par exemple.

Cette jurisprudence fut unanimement décriée par la doctrine puisqu’elle conduisait à ajouter au texte de l’art. 1792 du code, qui subordonne l’éligibilité des travaux au régime de la RC décennale des constructeurs au fait de réaliser un ouvrage, l’hypothèse de la réalisation de simple travaux d’adjonction d’un élément d’équipement dissociable.

La tentative avortée d'Elan

Une première tentative de réaction législative avait été engagée lors du vote de la loi Elan en novembre 2018, mais elle fut avortée, car l’amendement voté fut considéré par le Conseil constitutionnel comme un cavalier législatif et donc annulé (décision n° 2018-772 DC du 15 novembre 2018).

En toute hypothèse, le texte adopté à l’époque n’aurait pas réglé complètement le problème, car il se contentait d’agir en périphérie de ce courant jurisprudentiel, en intervenant uniquement sur le périmètre de l’assurance construction obligatoire et non sur celui des garanties légales de responsabilité. Cette modification aurait en effet porté uniquement sur l’article L. 243-1-1 II du Code des assurances, qui prévoit expressément l’exclusion des dommages au existants du champ d’application de l’assurance construction obligatoire.

Il s’agissait de mettre fin à un contournement jurisprudentiel de cet article généré par l’arrêt du 15 juin 2017, opéré par l’arrêt du 26 octobre 2017 (Cass. 3e civ., 26 octobre 2017, n° 16-18120, Bull.), conduisant cette fois à considérer que ces travaux « d’adjonction d’un élément d’équipement sur un existant » ne consistant pas en la construction d’un ouvrage, l’article L. 243-1-1 C. ass. qui traitait dans son I des ouvrages exclus de l’obligation d’assurance, n’avait pas vocation dans son II, à traiter d’autre chose que de la répercussion sur un existant de désordres de gravité décennale affectant des travaux de construction « d’un ouvrage ».

La conséquence aurait été que certes, les dommages aux existants se seraient à nouveau trouvés exclus du champ d’application de l’assurance construction obligatoire, alors même qu’ils étaient consécutifs à la simple adjonction d’un élément d’équipement et non d’un ouvrage, mais l’adjonction d’un élément d’équipement sur un existant aurait continué à engager la RC décennale des installateurs, sans que pour autant, ils ne bénéficient des garanties prévues par le régime de l’assurance construction obligatoire.

Traiter le problème à la racine

L'avant-projet diffusé par la Chancellerie traite cette fois du problème à la racine, en agissant sur le terrain de la responsabilité, excluant dans cette hypothèse l’application du régime de la RC décennale.

On observera cependant que le libellé pose problème. En effet, tel qu’il est rédigé, le texte semble exclure en tant que tels les éléments d’équipement posés sur un existant, sans distinguer l’hypothèse d’une installation isolée, en principe seul visée, de celle où l’installation de l’ équipement s’inscrit dans la réalisation plus vaste de travaux de construction d’un ouvrage. Il serait vraiment fâcheux qu’un tel libellé débouche sur de nouveaux contentieux. Il conviendrait selon nous de préciser l’exclusion en ce sens : «  les éléments d'équipement installés isolément sur existant. ».

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