L’écologie donne son troisième souffle à Elan. Lorsqu’il la crée en 1968, Francis Bouygues cherche à consolider les compétences de coordination associées aux marchés d’entreprise générale. Une génération plus tard, la maîtrise d’œuvre des pylônes téléphoniques ancre l’expertise opérationnelle de l’entreprise, sur des chantiers simples mais exigeants du point de vue de la sécurité des travaux en hauteur. Elan atteint alors un pic, avec 250 salariés répartis dans huit agences.
Le galop d’essai de Challenger
La culture opérationnelle reste déterminante dans la troisième étape inaugurée à la fin des années 2000 par la rénovation de Challenger, siège mondial du major.
D’emblée, les exigences environnementales d’Elan mettent à égalité les objectifs climatiques et écosystémiques. Signature de l’activité de conseil, cette approche deviendra le vecteur de l’ouverture à de nouveaux clients : la maison mère ne pèse plus que 20 % des 15 millions d’euros de chiffre d’affaires de l’entreprise de 140 salariés. Le conseil environnemental concourt à la moitié de l'activité.
Fondateur du bureau d’études Environnement Vôtre qu’il a dirigé pendant 21 ans jusqu’à sa cession à Elan en 2009, l’écologue Olivier Lemoine a rapidement buté sur la question que se posent tous les bâtisseurs et aménageurs désireux de limiter leur impact sur la biodiversité : comment le mesurer ? Sa réponse a consisté à poser les jalons du label Biodivercity, d’abord conçu pour un usage interne dont il résume l’objet : « Dresser l’inventaire des sujets à traiter pour intégrer la biodiversité dans le bâtiment ».
De la mesure au label
Premier client à tester la méthode à l’occasion de la construction de son siège social, Gecina contribue à la mutualisation de Biodivercity : un label légitimerait sa communication. « Encore fallait-il créer une structure porteuse. J’ai poussé à la coopération entre toutes les grandes entreprises, institutions et associations qui donnent sa crédibilité à la démarche», se souvient Olivier Lemoine, directeur scientifique et technique du Conseil international immobilier et biodiversité (Cibi), qui fêtera ses 10 ans en 2023 avec plus de 100 adhérents.
Avec trois déclinaisons et 120 écologues accrédités pour certifier la réalisation, l’exploitation et le quartier, Biodivercity a trouvé sa place. Dans le monde encombré mais stratégique des labels, Elan défend la sienne sur le front de la biodiversité comme sur celui du carbone : la filiale de Bouygues pilote Biodivercity Ready – déclinaison à l’échelle du quartier – mais aussi le nouveau signe de reconnaissance sur lequel travaille l’association Bâtiment bas carbone.
Creuset d’innovations
Pour stimuler l’innovation, l’entreprise de pilotage de chantiers et d’ingénierie environnementale ajoute une troisième corde à son arc : le Lab, « incubateur de nouvelles démarches de projets et d’offre », comme le définit son animateur Camille Gautier, directeur de l’innovation d’Elan. La petite taille de l’entité associée à la puissance du groupe donne sa force à l’activité de recherche appliquée.
Fil conducteur de la mission d’Elan définie dans le cadre de sa certification B Corp, l’idée de « bousculer l’immobilier » amène des angles nouveaux : défricheur des approches low tech, le lab a contribué à la fondation du Centre d’études et d’expertise en bio-mimétisme (Ceebios), puis du Biomim’City Lab. Depuis l’adoption du règlement de l’Union européenne sur la taxonomie verte, il concentre son attention sur l’extension à la biodiversité de la notion de valeur verte des activités économiques.
Recherche appliquée
Entre recherche et application à grande échelle, les circuits courts du Lab d’Elan font leur preuve : le géant européen de l’Asset Management AEW lui a confié la cartographie européenne des risques climatiques qui pèsent sur ses actifs. En aval, la filiale de Bouygues proposera la stratégie d’adaptation et les investissements associés.
Depuis sa participation à la conférence des entreprises pour le climat (CEC) qui a rassemblé 150 sociétés de tous secteurs jusqu’en juin dernier, Camille Gautier ressent une nouvelle impulsion : « Cette expérience humaine transformatrice a aiguisé la conscience de l’urgence, chez chaque participant », témoigne-t-il à l’issue des six sessions de deux jours-et-demi entamées en septembre 2021.
Régénération
Les travaux de la CEC ont notamment porté sur l’écriture des « feuilles de route régénératives » qui relient la progression de l’activité à celle de la restauration des écosystèmes. Successeure d’Astrid Pelletier à la direction générale d’Elan à partir de l’automne prochain, Sylvie Gamelin orchestrera cette partition subtile : la croissance de la régénération permet de sortir par le haut du débat sur la décroissance.