Vingt années et deux arrêts de censure du Conseil d'Etat auront été nécessaires pour transposer définitivement en droit français la directive 2001/42 CE du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement.
Adopté en application de la d'accélération et de simplification de l'action publique, dite « Asap », le portant modification des dispositions relatives à l'évaluation environnementale des documents d'urbanisme et des unités touristiques nouvelles apporte plus particulièrement une réponse aux décisions du 19 juillet 2017 (n° 400420) et du 26 juin 2019 (n° 414931, mentionné dans les tables du recueil Lebon). Par ces arrêts, la Haute juridiction administrative avait annulé plusieurs dispositions du Code de l'urbanisme (C. urb.) n'accordant pas assez de place à l'évaluation environnementale systématique ou après une demande de cas par cas.
Rôle central de l'Ae renforcé. Ce décret parachève ainsi l'introduction de l'évaluation environnementale dans les documents d'urbanisme et renforce, par la même occasion, la place centrale désormais occupée par l'Autorité environnementale (Ae) - la mission régionale d'autorité environnementale (MRAe) dans la plupart des cas - chargée de se prononcer sur les demandes d'examen au cas par cas et d'émettre un avis sur la qualité de l'évaluation environnementale. Il innove, toutefois, à travers la création d'une seconde procédure de cas par cas réalisée par la personne publique responsable sous réserve d'un avis conforme de la MRAe. Ses dispositions entrent immédiatement en vigueur et s'appliquent ainsi à de nombreuses procédures de plans locaux d'urbanisme (PLU) encore en cours d'adoption.
Elargissement du champ de l'évaluation environnementale
Le champ de l'évaluation environnementale du document d'urbanisme est dorénavant apprécié par rapport à trois catégories de procédures : l'élaboration et la révision, la modification et les procédures de mise en compatibilité.
Elaboration et révision. Pour l'élaboration et la révision, les schémas de cohérence territoriale (Scot) doivent faire l'objet d'une évaluation environnementale systématique. Il en va de même pour l'élaboration des PLU.
Pour la révision de ces derniers, l'évaluation environnementale systématique s'impose, lorsque la révision : - permet la réalisation de travaux, aménagements, ouvrages ou installations susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000 ; - introduit un changement des orientations du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) ; - porte sur les changements figurant à l' (dont la suppression d'un espace boisé classé [EBC], la réduction d'une protection ou d'une zone naturelle ou agricole, l'évolution de nature à induire de graves risques de nuisance, etc.).
Toutefois, pour ce troisième cas de figure, par dérogation, la voie de la demande d'un examen au cas par cas (selon la nouvelle procédure réalisée par la personne publique responsable, voir infra ) peut s'appliquer lorsque l'incidence de la révision porte sur une ou plusieurs aires comprises dans le territoire couvert par le PLU concerné, pour une superficie totale inférieure ou égale à un millième de ce territoire (un dix-millième pour un PLUi), dans la limite de cinq hectares ().
Modification. Pour la modification, les règles applicables aux Scot et aux PLU sont identiques.
Ainsi, l'évaluation environnementale systématique s'impose lorsque la modification permet la réalisation de travaux, aménagements, ouvrages ou installations susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000 ou, lorsqu'il s'agit d'une modification simplifiée, si elle emporte les mêmes effets qu'une révision. Pour le reste, une procédure de cas par cas est mise en œuvre : elle conduira à la réalisation d'une évaluation environnementale lorsque la modification présente des incidences notables sur l'environnement au regard de l'annexe II de la directive du 27 juin 2001.
Les procédures de modification sont dorénavant a minima toutes soumises à l'examen au cas par cas
De la sorte, les procédures de modification sont dorénavant a minima toutes soumises à l'examen au cas par cas, ce qui permet d'apporter une réponse à l'arrêt du Conseil d'Etat du 19 juillet 2017 précité qui avait sanctionné le défaut de transposition correcte de la directive sur ce point. Par exception, il est à noter, toutefois, qu'aucune formalité ne s'impose lorsque la modification a pour seul objet la rectification d'une erreur matérielle. La dispense de cas par cas vaut aussi pour la modification qui a pour unique objet de réduire la surface d'une zone urbaine ou à urbaniser d'un PLU.
Mise en compatibilité. Pour la mise en compatibilité, le régime des Scot et des PLU est également harmonisé. Les cas d'évaluation environnementale systématique sont les mêmes que ceux des procédures de modification, auxquels s'ajoute la mise en compatibilité dans le cadre d'une procédure intégrée prévue à l' lorsque l'étude d'impact du projet ne traite pas les effets sur le Scot ou sur le PLU. La procédure de demande de cas par cas s'applique à toutes les autres procédures de mise en compatibilité.
Cartes communales. Enfin, les cartes communales sont aussi concernées par la réforme. Celles-ci font l'objet d'une évaluation environnementale à l'occasion de leur élaboration ou de leur révision lorsqu'elles permettent la réalisation de travaux, aménagements, ouvrages ou installations susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000. En dehors de ces procédures, le cas par cas trouve à s'appliquer.
Une nouvelle procédure de cas par cas
L'extension du champ du cas par cas pourrait conduire à solliciter trop fréquemment la MRAe pour des procédures qui présentent finalement un faible enjeu et pour lesquelles la réalisation d'une évaluation environnementale serait disproportionnée.
Pour éviter cet alourdissement, une seconde procédure de cas par cas a été créée afin de partager la décision entre la personne publique responsable du document et la MRAe. Pour les cas par cas listés à l'article R. 104-33 du code (dont les révisions et modifications des PLU), la collectivité se positionne elle-même sur la réalisation de l'évaluation environnementale.
Avis conforme. Soit elle se soumet spontanément à cette étude, soit elle transmet un dossier à la MRAe dont le contenu est précisé à l'article R. 104-34 (dossier de présentation, caractéristiques principales du document, objet de la procédure, raisons pour lesquelles la dispense est envisagée). La MRAe dispose de deux mois à compter de la transmission du dossier complet pour rendre un avis conforme sur l'absence de nécessité de réaliser une évaluation environnementale et l'adresser à la personne publique responsable ().
D'un point de vue juridique, l'avis conforme lie la collectivité qui doit prendre la décision. La MRAe dispose donc en réalité du même pouvoir de prescrire l'évaluation environnementale que dans la procédure de cas par cas ordinaire. Toutefois, dans la pratique, le positionnement pris en amont par la collectivité pourra très certainement orienter la position de la MRAe, surtout s'il est bien étayé. C'est d'ailleurs en ce sens que l'article R. 104-35 prévoit que l'absence de réponse de la MRAe dans le délai de deux mois équivaudra à un accord de celle-ci sur la dispense proposée par la collectivité dans sa saisine.
Adaptations procédurales
Le décret du 13 octobre 2021 procède à plusieurs retouches qu'il est utile de rappeler. Tout d'abord, l'autorité environnementale de droit commun chargée d'examiner le cas par cas est la MRAe. Toutefois, si le périmètre du Scot, du PLU ou de la carte communale excède le territoire d'une région, le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) devient l'autorité compétente ().
Stade précoce. Ensuite, la procédure de cas par cas ordinaire (distincte de celle appartenant à la personne publique responsable, ) doit intervenir à « un stade précoce », soit avant la demande d'examen conjoint en cas de révision allégée et de déclaration de projet, soit avant les avis des personnes publiques associées dans les autres cas (). La demande contient une description des caractéristiques principales du document d'urbanisme, de la valeur et de la vulnérabilité de la zone susceptible d'être touchée par sa mise en œuvre et des principales incidences sur l'environnement et la santé humaine. La MRAe se prononce dans les deux mois. Le défaut de réponse dans ce délai vaut prescription d'évaluation environnementale.
Lorsque l'évaluation environnementale s'impose, celle-ci doit désormais exposer les incidences notables probables de la mise en œuvre du document sur l'environnement, « notamment, s'il y a lieu, sur la santé humaine, la population, la diversité biologique, la faune, la flore, les sols, les eaux, l'air, le bruit, le climat, le patrimoine culturel architectural et archéologique et les paysages et les interactions entre ces facteurs » ().
Le défaut de réponse de la MRAe dans un délai de deux mois vaut prescription d'évaluation environnementale
La MRAe est saisie par la personne publique responsable d'un dossier comprenant le projet de document d'urbanisme, l'évaluation environnementale (éventuellement confondue avec le rapport de présentation) et les avis rendus sur le projet de document à la date de la saisine (). Elle dispose de trois mois pour rendre son avis ().
Evaluation environnementale unique. Le décret du 13 octobre 2021 apporte enfin une précision procédurale en présence d'une évaluation environnementale unique couvrant à la fois un projet - de construction ou d'aménagement - et la mise en compatibilité du document d'urbanisme par une déclaration d'utilité publique (DUP) ou une déclaration de projet. Dans ce cas, le nouvel indique que le délai d'instruction de la demande de permis de construire ou de permis d'aménager court à compter de la date à laquelle la décision de mise en compatibilité est exécutoire. L'autorité chargée de la procédure de mise en compatibilité du document d'urbanisme informe l'autorité compétente pour délivrer le permis du caractère exécutoire du document dans un délai de huit jours.
Unités touristiques nouvelles
Pour mémoire, en zone de montagne, le développement touristique s'opère sous la forme d'UTN structurantes ou locales qui sont des opérations d'aménagement planifiées à l'échelle du Scot ou du PLU.
Les UTN locales soumises à autorisation () font désormais l'objet d'une évaluation environnementale à l'occasion de leur création et de leur extension lorsqu'elles permettent la réalisation de travaux, aménagements, ouvrages ou installations susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000 (nouvel ). En dehors de ce cas, ces UTN donnent lieu pour leur création ou extension à la procédure de cas par cas.
Variété de situations. Pour les UTN structurantes, la règle est identique pour la soumission à évaluation environnementale du fait des incidences significatives sur un site Natura 2000. En dehors de cette hypothèse, le nouvel article R. 104-17-2 du code offre une variété de situations selon les opérations visées à l'article R. 122-8. Par exemple, l'évaluation environnementale est systématique pour l'UTN autorisant l'aménagement de terrains de camping d'une superficie supérieure à 5 hectares alors qu'un examen au cas par cas sera instruit en vue d'une éventuelle dispense pour l'UTN autorisant l'aménagement, la création et l'extension de terrains de golf d'une superficie supérieure à 15 hectares.
Une entrée en vigueur à marche forcée
L'article 26 du décret du 13 octobre 2021 a prévu son entrée en vigueur dès le lendemain de sa publication, soit le 16 octobre 2021. Il s'applique donc intégralement aux procédures initiées à compter de cette date, mais aussi à celles qui n'étaient pas soumises à évaluation au cas par cas et qui le sont dorénavant. Sont ainsi visées les procédures de modification non achevées au 16 octobre 2021. Pour celles-ci, les collectivités avaient toutefois largement suivi les consignes du ministère de la Transition écologique en se soumettant volontairement à la procédure de cas par cas depuis l'arrêt du Conseil d'Etat intervenu le 19 juillet 2017.
Revoir le projet de PLU. Ce décret s'applique également aux procédures d'élaboration et de révision des PLU pour lesquelles une décision de dispense d'évaluation environnementale est intervenue avant cette date. Dans ces hypothèses, il faut ainsi réaliser une évaluation environnementale, ce qui peut conduire en pratique à revoir en profondeur le projet de PLU pour tirer les conséquences de cette étude et relancer une nouvelle participation du public si celle-ci s'est déjà tenue. Là encore, nombreuses sont les collectivités qui avaient anticipé la réforme.
Enfin, les autres procédures qui concernent le Scot et le PLU pour lesquelles une décision de la MRAe est déjà intervenue avant le 16 octobre 2021 restent régies par les dispositions antérieurement applicables.