Le Népal, Haïti, l’Italie : tous ces pays ont été touchés ces dernières années par des séismes avec des bilans très lourds. En Haïti en 2010, les secousses de magnitude 7 ont entrainé la mort de plus de 250 000 personnes. Au Népal en 2015, le séisme de magnitude 7,8 a fait 9 000 victimes.
Après la catastrophe, comment ces Etats se reconstruisent-ils ? Les villes sont-elles rebâties pour résister aux secousses qui ne manqueront pas de revenir dans ces zones sismiques ?
Après la catastrophe, le pays dévasté passe par plusieurs stades : la crise, sa gestion avec la sécurisation des bâtiments et le déblaiement, puis la phase de reconstruction. Selon Pierre Alain Nazé, président de l’Association française de génie parasismique, le provisoire l’emporte souvent sur le durable : "Dans les pays pauvres, ce qui doit durer trois ans dure en réalité dix ans et les solutions provisoires mises en place restent insuffisantes" affirme-t-il.
Les abris transitoires occupent le foncier
L’urgence de reloger les sans-abris "créé une pression énorme sur les gouvernements" assure Pierre Alain Nazé. En Haïti, ou ils étaient 1,5 million à Haïti, 42% de l’aide internationale a été utilisée pour l’urgence et non pour la reconstruction du pays.
"Il ne reste plus de budget pour construire de manière définitive et surtout plus de foncier, les abris transitoires ont pris toute la place" déplore Patrick Coulombel, fondateur d’Architectes de l’urgence.Une situation qui pousse à "fermer les yeux sur les détails" concernant la façon dont on reconstruit, affirme Pierre Alain Nazé.
La résilience mexicaine
Pourtant, la résilience des villes en zone sismique est possible. En 1985, Mexico connaît un séisme de magnitude 8,2 qui ravage la capitale mexicaine et fait 10 000 victimes. Les dégâts sont estimés par les autorités à 4 Mds $. Trente-deux ans plus tard, jour pour jour, la ville subit un nouveau tremblement de terre. Mais ses conséquences sont bien moins importantes.
L’Association internationale des maires francophones note ainsi que le séisme de 2017 a touché "incontestablement moins durement Mexico" quant au "nombre d’immeubles détruits et au nombre de décès" dans un rapport de 2018.
Plusieurs explications : le dernier séisme était d’un point moins intense que celui de 1985, mais surtout les pouvoirs publics ont tiré les enseignements de la catastrophe survenue en 1985. Dès 1987, un nouveau code de construction a été établi pour réguler l’utilisation des matériaux et la hauteur des bâtiments selon les sols. Les normes portent aussi sur le renforcement des systèmes hydrauliques.
De plus, plusieurs institutions et programmes de préventions ont été instaurés pour coordonner des actions préventives en cas de catastrophes naturelles, les bâtiments publics disposent d'un système d’alarme sismique et des simulations de séismes sont réalisées chaque année.
Une nécessaire évolution législative
Autant d’éléments qui font dire à Pierre-Alain Nazé que "Mexico est devenue résiliente et a su se prémunir contre les séismes". Selon lui, la protection contre les tremblements de terre passe d’abord par une évolution législative. Après les séismes, plusieurs Etats ont fait évoluer leur législation.
En Algérie par exemple, après le séisme de 2003, de nouvelles normes parasismiques ont été rendues obligatoires pour toutes les constructions, publiques ou privées. "En Italie, des incitations fiscales ont été créées pour encourager la population à reconstruire leur logement selon les normes parasismiques" explique Pierre-Alain Nazé. Le Plan de prévention du risque sismique de 2011 prévoit ainsi "que 40% du renforcement ou des amélioration sismique peuvent être financés" par l’Etat.
Une meilleure gestion des matériaux permet aussi aux bâtiments de mieux résister aux secousses. "Il faut reconstruire en utilisant des volumes homogènes, explique Patrick Coulombel. Et privilégier des matières souples comme le bois. Le béton s’il est utilisé doit être de bonne qualité, celle-ci est "fondamentale" martèle Patrick Coulombel.
Sur le béton, les techniques de construction parasismiques progressent, à l’image de ce béton renforcé par des fibres de polymère et développé à l’université de Colombie-Britannique au Canada (voir encadré).
"Un métier qui nécessite des professionnels qualifiés"
La construction parasismique n’entraîne pas un surcoût énorme, environ 10% selon Patrick Coulombel, "20% sur des bâtiment publics". Mais le vrai obstacle semble être le manque de professionnels qualifiés. Après une catastrophe naturelle, la communauté internationale se mobilise et l’argent afflue, les entreprises de construction en profitent.
Cependant, "beaucoup de professionnels se manifestent par opportunisme et font du transitoire" déplore Patrick Coulombel. Surtout, selon Pierre-Alain Nazé "le tissu industriel pour reconstruire des villes entières rapidement et de manière pérenne, des bâtiments aux routes et aux canalisations, n’existe pas. Il faut le booster".
Les associations humanitaires interviennent également avec des résultats variables. "Au Népal, les écoles reconstruites par du personnel humanitaire n’ont pas résisté, regrette le fondateur d'Architectes de l'urgence. La compétence des acteurs qui interviennent dans la reconstruction est impérative". Il déplore également un manque de contrôle dans les appels d’offres.
La reconstruction s’éternise aussi à cause du manque de moyens. Les promesses de dons ne se concrétisent pas toujours et la grande exposition du pays au risque naturel décourage les investisseurs.
Une situation qui ne touche pas que les pays pauvres, en Italie "quatre ans après le séisme de 2016, nous n’avons pas encore reconstruit" affirme Pierre-Alain Nazé. Selon lui, la résilience des villes tient à trois éléments : le temps, les moyens et la volonté politique. A retenir pour les prochaines secousses.
Du béton fibré capable de résister aux secousses
Fin 2017, des chercheurs de l’University of British Columbia (UBC) à Vancouver au Canada ont conçu un béton fibré résistant au séisme, appelé composite cimentaire écologique (EDCC en anglais). Le matériau conçu à l'échelle moléculaire pour être solide, malléable et ductile, comme l'acier, absorbe les chocs. Appliqué sur les surfaces, il permet de renforcer une structure vulnérable aux séismes. Il peut aussi être utilisé pour construire entièrement des bâtiments.
Les chercheurs l’ont testé sur des simulations sismiques d’intensités élevées : "Nous avons pulvérisé une couche de 10 millimètres d'EDCC sur plusieurs murs, ce qui est suffisant pour renforcer la plupart des murs intérieurs contre les chocs sismiques", explique Salman Soleimani-Dashtaki, chercheur dans le département de génie civil de l'UBC. "Puis nous les avons soumis à des tremblements de terre de niveau Tohoku [le séisme qui a frappé le Japon en 2011, NDLR] et à d'autres types et intensités de tremblements de terre, et nous n'avons pas pu les casser", se réjouit-il. Cette fois le surcoût est réel : l’EDCC triple le prix d’un béton classique. Il a été utilisé pour une école primaire de Vancouver au Canada et ses créateurs envisagent maintenant de le développer en Inde