A Paris (VIIe), le palais Bourbon restaure ses toits. En toute discrétion, derrière la colonnade de l'architecte Bernard Poyet, l'emblématique salle des séances, l'hémicycle, se dote d'une nouvelle couverture. « Elle devenait fuyarde, ce qui abîmait les peintures intérieures de Fragonard, tandis que les métaux corrodés nécessitaient des réparations de plus en plus fréquentes. Il fallait intervenir en urgence », explique Marie-Danièle Pessard, architecte du patrimoine et représentante de la maîtrise d'ouvrage, la direction des affaires immobilières et du patrimoine de l'Assemblée nationale.
Pour redonner à ce monument son prestige, les 700 m² de toiture se verront rénovés à l'identique. L'ossature primaire en demi-ferme métallique datant de 1828 sera conservée, ainsi que sa résille métallique qui assure le contreventement. En revanche, les feuilles de cuivre devront être remplacées, tout comme les vitrages du lanterneau central afin de mieux capter la lumière naturelle. En dessous, le plafond suspendu pourra, lui, être conservé.
Avant les travaux proprement dits, les opérations ont débuté en mars 2020 par la mise en place de l'échafaudage, une prouesse technique en elle-même puisqu'il comporte un vaste parapluie qui repose sur les murs du bâtiment. « Leur portance étant faible et les points d'accroche trop peu nombreux, il a fallu calculer les descentes de charge de cet ouvrage provisoire de façon à éviter de fragiliser la structure existante », détaille Xavier Brun, ingénieur en chef pour la maîtrise d'ouvrage.

Poids suivi en permanence. Crise sanitaire oblige, la restauration n'a pu commencer qu'en juillet dernier. Pour cette étape délicate, la priorité était d'éviter d'ajouter trop de poids sur la structure historique. « Le moindre déséquilibre était susceptible de générer des désordres sur le plafond ou même se répercuter sur la stabilité de l'hémicycle lui-même », souligne Xavier Brun. Afin de surveiller en temps réel ce paramètre, le bureau d'études Equilibre Structures a d'abord modélisé l'ensemble de la toiture et a ainsi calculé que la surcharge maximale admissible ne pouvait dépasser 22 kg/m², contre 9 à 10 kg/m² à l'origine. Pendant les travaux, le poids de l'ensemble est également suivi en permanence grâce à des capteurs.

Une fois ce dispositif en place, les ossatures pouvaient être renforcées. Sur la résille métallique, un chevronnage rayonnant en lamellé-collé cintré et entretoisé a été ajouté. « Nous y avons ajouté un voligeage supplémentaire pour supporter la couverture et ses fixations dans le respect des normes actuelles », explique Lionel Garin, directeur d'agence chez Bourgeois, filiale de Vinci Construction France. « Sur la partie dôme, nous avons posé deux couches de voliges en peuplier croisées à 45°, afin d'épouser l'arrondi. Sur la partie haute, plus plane, nous avons opté pour une seule couche de voliges en sapin du nord, plus léger », poursuit Julien Plasse, conducteur principal de travaux chez Bourgeois.

Pose en symétrie. L'ensemble est en train d'être recouvert d'un film d'interposition et d'une nouvelle couverture en cuivre. Prédécoupé et cintré en atelier, le métal est posé à joint debout depuis l'axe central de la toiture pour rayonner en éventail de part et d'autre. « Cette méthode permet d'équilibrer les charges symétriquement lors de la pose », souligne Lionel Garin. En bas de la pente, les chéneaux sont rhabillés de plomb. Concernant le lanterneau, là encore pour limiter le surpoids, « nous avons choisi un verre armé et des vitrages clairs légers », précise Marie-Danièle Pessard. La technique de pose choisie, vissage plutôt que cloutage, ainsi que le phasage ont d'ailleurs été adaptés afin de ne pas perturber l'activité parlementaire.

Dans le même temps, profitant du déploiement de cette logistique exceptionnelle, les équipes s'attellent à la réfection des 220 m² de couverture de la salle des Conférences attenante. Le chantier, qui devrait s'achever en juillet 2021, s'inscrit dans un schéma directeur qui vise à restaurer le clos et le couvert autour de l'hémicycle. Il répond aussi à l'ambition de Richard Ferrand, président de l'Assemblée nationale, de mettre la restauration du patrimoine au cœur des investissements immobiliers du palais Bourbon.