Ils étaient 102, puis 30, puis 8… et c’est finalement Antoine Quidoz qui a remporté le 11e championnat de France des cordistes qui s'est tenu à Marseille. L’homme de 38 ans règne sans partage sur la compétition depuis sa première participation et s’est vu couronné pour la neuvième fois cette année. « Je suis venu aux travaux sur cordes par la spéléologie, explique celui qui s’est déplacé avec sa femme et ses trois petites filles. C’était une évidence d’en faire mon métier ». Et n’allez pas comparer celui-ci à l’escalade : « Les grimpeurs montent sur le rocher et utilisent la corde pour descendre. Pour eux, c’est une assurance. Pour nous, c’est un support d’évolution », précise-t-il. Tous ceux qui sont venus à la Cité des arts de la rue pour participer à ces championnats partagent cette passion pour les déplacements sur corde.

Antoine Quidoz évacue un mannequin d'une zone confinée lors des quarts de finale ©Vuedici.org
Dix femmes engagées
« J’aime quand il faut se creuser la tête pour atteindre un endroit difficile d’accès », explique Mathilda Rivoire. Cordiste depuis six ans, la jeune femme de 32 ans travaille pour une entreprise d’intérim. Son dernier chantier : le décapage et la remise en peinture de la salle des machines d’une centrale nucléaire, « l’équivalent d’un gros terrain de foot ». Mathilda Rivoire fait partie des dix femmes engagées dans ces championnats. Elle se plie en un temps record à la mission assignée aux concurrents : allumer des interrupteurs situés à 10 m du sol, déposer des balles de tennis sur des billots de bois suspendus et nettoyer une vitre. Mais ses 6’03 ne lui permettront pas d’accéder à l’étape suivante.
« Gérer les emmêlements »
Celle-ci consiste à évacuer une victime d’un milieu confiné : un mannequin de 90 kilos suspendu à l’intérieur d’un tuyau de plastique qu’il faut remonter sur une dizaine de mètres et acheminer sur un parcours imposé avant de le déposer au sol. « Ici, il y a trois cordes : une pour la progression du cordiste, un pour sa sécurité et une pour celle de la victime, explique Damien Piat, de France Travaux sur Cordes, le syndicat professionnel du secteur. « En réalité, le cœur du métier, c’est la gestion des emmêlements ! » sourit-il. « Il y a tout un panel de solutions mais il faut trouver la plus efficace pour gagner les quelques secondes qui permettent de faire la différence », explique Antoine Quidoz.

Mathilda Rivoire, 32 ans et cordiste depuis six ans, est spécialisée dans l'industrie et le nucléaire ©Vuedici.org
Espérance de vie : 7 mn
Si la différence, ici, se joue entre une première et une seconde place, sur le terrain il peut s’agir d’une question de vie ou de mort. « Un cordiste inconscient en suspension dans son harnais a une espérance de vie de 7 minutes », rappelle Thomas Roger, du centre de formation Hauteur et Sécurité. La profession en a tiré des règles : toujours travailler en binôme, être formé aux techniques d’évacuation, préparer les opérations bien en amont et ne jamais superposer les postes lorsqu’il y a une forte coactivité sur les chantiers afin d’éviter des chutes d’objets sur les équipes.
« Un moyen d’accès, pas une finalité »
Le secteur se développe fortement. Entre 2020 et 2023, le nombre d’entreprises de travaux sur cordes s’est accru de 20 % et le nombre de salariés a bondi de 37 % pour atteindre 21 300 salariés. « Dans les travaux publics, nous intervenons essentiellement pour sécuriser des pentes et des falaises et ce besoin augmente, à la fois à cause des intempéries et aussi par souci et responsabilité des collectivités locales », détaille le président de France Travaux sur cordes Jacques Bordignon. Les cordistes sont également très demandés dans le bâtiment pour de l’entretien ponctuel. L’objectif aujourd’hui est d’adjoindre une valeur ajoutée au métier : maçonnerie, charpente, peinture, soudure… « La corde est un moyen d’accès, pas une finalité », souligne Jacques Bordignon. Ainsi Mathilda Rivoire a suivi une formation d’un an pour travailler en zone nucléaire et se verrait bien ajouter la soudure à ses compétences.

Après avoir délicatement posé des balles de tennis sur d'étroits billots suspendus, les concurrents nettoient une vitre ©Vuedici.org
Sentiment d’appartenance
La jeune femme s’est également engagée dans l’association Haut Pluri’elles dont le groupe Facebook totalise 400 personnes. « Le but est de s’entraider entre femmes, de s’échanger les bons plans et de parler de nos problématiques, depuis la taille des baudriers jusqu’au niveau des salaires », explique-t-elle, jugeant cependant le milieu « très bienveillant ». « Il y a chez les cordistes le sentiment d’appartenir à une communauté, souligne Jacques Bordignon. Cela tient au travail en équipe, au fait que la sécurité des uns dépend des autres et au statut de grand déplacement qui amène les équipiers à partager une vie en dehors du boulot ».