Si les professionnels du marché des chaudières bois font régulièrement état de leur inquiétude face à des ventes erratiques, ils sentent tout de même un léger frémissement. Et ? surtout ! ? l’importance d’un virage à prendre pour être plus que jamais présents dans les bâtiments basse consommation (BBC). Énergie renouvelable incontestable, le bois doit réussir à se rendre indispensable dans cette nouvelle approche du bâtiment BBC ; première étape avant l’avènement des maisons passives.
Vers un mix énergétique ?
Pour autant, les constructeurs hésitent à faire confiance à 100 % à cette technologie et préfèrent miser sur des solutions mixtes. Pour Gilles Walterspieler (Viessmann), « le marché de la chaudière bois restera un marché de niche. Je crois à cette énergie sous l’angle bi-énergie ! Le bois est une solution très intéressante lorsqu’il est couplé à une autre énergie ; qu’elle soit traditionnelle [fossile : ndlr] ou solaire par exemple ». Une stratégie qu’Olivier Ferrer (HS France) partage également. « La solution unique n’existe pas pour obtenir la maximisation de l’énergie. L’idéal est de pouvoir combiner dans sa maison deux, trois, voire quatre sources d’énergie différentes. Ainsi, une chaudière bois va amener un confort ; une chaudière fioul apportera son autonomie ; des panneaux solaires la gratuité partielle de l’énergie. Le mix énergétique reste la meilleure solution... en attendant de trouver un combustible idéal ! C’est-à-dire pas cher, “propre” et qui ne prend pas de place. » Ce constat oriente d’ailleurs les politiques des industriels sur le segment des chaudières bois. Ainsi, si quelques-uns sont vraiment spécialisés dans le secteur, les généralistes tentent de s’y faire aussi une place en jouant sur leur positionnement multi-énergies, comme le rappelle François Hété (Bosch Thermotechnique). « Nous sommes fabricants de chaudières avant tout. Ce qui nous permet de mettre à disposition de nos clients tout un panel de solutions. Nous sommes complètement libres dans la prescription de l’énergie à utiliser. Ceci nous permet de proposer une solution de chauffage pour tous les budgets de la manière la plus objective possible. Notre priorité est d’offrir une solution technique qui correspond aux critères budgétaires du client », argumente ce chef produit chaudières au sol et biomasse. Le budget reste, en effet, le frein essentiel au développement du marché pour des consommateurs avant tout en quête d’une solution économique. Des outils comme le crédit d’impôt permettent d’amortir une partie des variations économiques de la demande qui peuvent être rapides dans leurs changements. Reste que l’année 2010 a été marquée par la baisse du crédit d’impôt (25 % en neuf ; 40 % dans le cas du remplacement d’un système de chauffage bois ou biomasse existant). Ce qui devrait impacter encore un peu plus un marché déjà très tendu. Face à cette conjoncture défavorable, les fabricants misent sur l’organisation de la filière et surtout sa professionnalisation. Au cœur de cette évolution, il y a un homme : l’installateur. Olivier Ferrer constate qu’« aujourd’hui, les clients sont aussi bien renseignés que les installateurs ou les négociants. Ils vont donc très souvent s’adresser directement au fabricant. Nous constatons réellement un vrai rapprochement entre l’utilisateur et l’industriel, et nous encourageons cette démarche. La chaudière bois a longtemps été un produit de foires et salons. Dans ce contexte, nous pouvons entendre tout et n’importe quoi (sic). En fait, les utilisateurs ont besoin de repères que nous pouvons leur fournir ».
S’appuyer sur des installateurs... bien formés
À la tête de l’agence Cedeo du Mans (72), Gilles Sebbah juge que le négoce a un rôle à jouer : « L’installateur ne décide pas ! Le client final est devenu prescripteur. Nous devons donc assurer notre rôle de conseils ». Les professionnels de la pose sont au cœur du marché et ont un vrai rôle à jouer. Ce que confirme Gilles Walterspieler : « Nous les accompagnons au jour le jour, car ce secteur nécessite des connaissances techniques. Tout le monde peut fabriquer une chaudière ! Mais l’important c’est son pilotage, son implantation, son dimensionnement et son utilisation. C’est un produit sur lequel, en cas de mauvaise utilisation, il y a très facilement des contreréférences. L’installateur doit donc être là ? avec notre soutien ? pour conseiller le client. Il a également un rôle primordial dans la gestion du SAV ». Le développement des chaudières à granulés renforce encore un peu plus ce sentiment chez François Hété. « Ce segment est encore un marché de niche aux mains de quelques acteurs spécialisés. La vente s’accompagne d’aides au montage, à l’installation, la mise en service et la maintenance. La chaudière à granulés est un produit technique qui nécessite d’être suivi pour optimiser ses performances », rappelle-t-il. En clair, l’aval de la filière doit accentuer ses efforts de formation ; les constructeurs souhaitant éviter de connaître ce qu’a vécu le marché de la pompe à chaleur où de nombreux installateurs ont surfé sur le bénéfice du crédit d’impôt pour imposer une technologie pas toujours adaptée. Formation, mais aussi communication envers les différents acteurs du secteur avec des outils comme le label Flamme Verte afin d’identifier clairement les produits. Dans le même registre, la charte Qualibois recense les installateurs ? environ 1 500 pour l’instant ? affichant une démarche volontaire et globale de développement durable. François Hété juge que le marché ne décollera que lorsque « la filière, dans son ensemble, sera renforcée. Cela passera par une démarche nationale autour d’un pôle économique et écologique vantant le bois énergie. La France a clairement pris du retard vis-à-vis de pays comme l’Allemagne ou l’Autriche qui ont su développer la filière bois dans son ensemble ».