Les artisans pris au piège des économies budgétaires

Les mesures annoncées dans la construction privée et le secteur social, en neuf et en rénovation, touchent déjà le bâtiment.

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Entre la Stratégie Logement du gouvernement, présentée le 20 septembre, et le projet de loi de Finances (PLF) pour 2018, les acteurs du bâtiment s'interrogent sur le devenir de la reprise qui était pourtant confirmée.

Pour le secteur privé, les mauvaises nouvelles ont commencé avec l'annonce du recentrage du dispositif « Pinel », prime d'aide destinée aux investisseurs locatifs, dans les zones tendues, A, Abis et B1 pour les quatre prochaines années. Le PTZ, prêt sans intérêt destiné aux ménages modestes devenant propriétaires, est lui aussi revu, avec une période de transition en zone B2 et dans les zones C.

Déjà des opérations annulées

« Le territoire de Brest est en zone B2 pour une bonne raison, explique Thierry Fayret, vice-président de Brest Métropole et en charge de l'urbanisme. Depuis quinze ans, nous tentons de maîtriser les prix avec une politique de coûts abordables sur le logement. Cela permet aux jeunes, dont la part sur le marché de l'emploi progresse à Brest, de se loger. Sans dispositif “ Pinel ” ou PTZ durable, c'est l'offre de logements qui va subir un impact durablement, donc l'emploi ».

Ce qui a peut-être été en partie oublié, c'est que le logement privé est, depuis des années, mixé avec des opérations de logement social, ces dernières servant à boucler plus rapidement la précommercialisation nécessaire à tout projet. Or, une mesure risque de modifier les équilibres des organismes HLM, avec l'article 52 du projet de loi de Finances, qui prévoit à la fois une baisse de l'aide personnalisée au logement (APL) et de la réduction du loyer de solidarité (RLS) dans le parc social. Pascal Barbottin, directeur général de Midi Habitat, qui gère 10 000 logements locatifs sociaux en Midi-Pyrénées avec Patrimoine SA Languedocienne, annonce déjà un coup de frein à la production de logements : « Dès l'été 2017, les crédits alloués pour le financement du logement social ont été réduits de 20 %, ce qui a pour effet d'empêcher l'engagement de 3 000 à 4 000 logements en 2017, sur un total de 10 000 ! Sans calculer les économies directes des bailleurs sur la remise en état de leur parc existant ou du budget consacré à la rénovation. Pour 2018, on peut estimer à 4 000 la réduction de logements sur ce territoire. »

Avec cette histoire de Cite, nous aurons du mal à ramener les artisans vers les formations de type RGE. Francis Mathieu, président de la Capeb de la Creuse

« Incertitude totale »

Ce n'est pas le seul dirigeant dans ce cas. Dans l'ex-région Languedoc-Roussillon, URO Habitat, qui représente 30 organismes HLM, estime les pertes de recettes locatives à 52 M€, avec pour corollaire de « réduire, puis d'arrêter les investissements », avec des conséquences funestes : 2 600 logements en moins en 2018, et 8 000 non réhabilités. À Brest, c'est aussi la consternation : « En 2016, nous avons voté le plan de financement du bailleur social sur la prochaine décennie. Tout est par terre et dans l'incertitude la plus totale. 60 € de baisse de loyers, c'est sa capacité à entretenir le patrimoine et à construire des logements tout en étant présent sur les zones Anru(1) . »

Fenêtres à tous vents

Côté artisans, c'est plus qu'une inquiétude. « Une majorité de menuisiers réalisent la moitié de leur chiffre d'affaires grâce au crédit d'impôt. L'abroger ou le réduire est injuste, car nous sommes sanctionnés par la faute de groupes qui détournent cette mesure. » Alain Leleu, président de la Capeb du Pas-de-Calais, est à peine rassuré depuis qu'il sait que le crédit d'impôt transition énergétique (Cite) sur les menuiseries est maintenu jusqu'au 31 décembre : « J'ai appris le passage de 30 à 15 % du Cite, alors que je venais de signer 30 000 € de devis sans avoir encore encaissé d'acompte ! » Fin septembre, la suppression des fenêtres, portes et volets isolants du champ du Cite a pris les artisans de court, provoquant la colère de la Capeb et de la FFB, cette dernière dénonçant « une mesure qui saborde les ambitions élevées en termes de transition énergétique ».

Depuis, le Cite a été requalibré : le taux reste à 30 % jusqu'au 31 décembre, puis est raboté à 15 % jusqu'au 30 juin 2018 avant une refonte du dispositif. Pour autant, les tergiversations ont déjà des effets négatifs. « Avec cette histoire de Cite, nous aurons du mal à ramener les artisans vers les formations de type RGE, que l'on commence à nous reprocher, regrette Francis Mathieu, président de la Capeb de la Creuse. Sans compter les clients qui, désorientés, ne veulent plus s'engager. » L'effet domino semble prêt à s'enclencher.

1. Agence nationale pour la rénovation urbaine.

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