Avec son plaidoyer pour la sauvegarde et la renaissance de la ceinture verte tropicale, l’ingénieur suisse Ernst Zürcher, professeur en sciences du bois à la haute école spécialisée bernoise, a posé les enjeux mondiaux des « Arbres en congrès », le 6 octobre à Jouy-en-Josas : une manifestation marquée par deux jours de conférence, mais aussi par un appel lancé aux pouvoirs publics en faveur d’un statut juridique approprié aux services rendus par l’arbre, stockeur de carbone et climatiseur naturel. L’intervention inaugurale a donné sa dimension planétaire au colloque impulsé par Matthieu Lemouzy, président de la Fédération internationale de l’arbre créée en 2015.
Réamorcer la pompe climatique
« Les forêts génèrent 45 % des précipitations mondiales », a rappelé le professeur Zürcher avant d’évoquer le fonctionnement de la pompe climatique amazonienne : l’humidité émise par évapotranspiration, au-dessus de la forêt, crée un appel d’air en provenance de l’Atlantique. Le mur de la cordillère des Andes détourne ces masses vers la droite pour donner naissance au Gulf Stream qui vient tiédir les côtes bretonnes.
A partir de quel seuil de déboisement cette pompe cessera-t-elle de fonctionner ? L’urgence de travailler sur l’écosystème terrestre justifie l’appel d’Ernst Zürcher à un reboisement à grande échelle, en particulier sur les 7000 km de la ligne Dakar Djibouti. « L’argent disponible existe : rien n’interdit d’orienter les flux financiers en direction d’une ruée vers l’or vert, pour créer des villages de planteurs d’arbres sur les 15 millions d’hectares concernés », s’enthousiasme l’ancien chef de projet de la coopération suisse au développement.
Stimuler la diversité fonctionnelle
Le témoignage de Stéphane Person, consultant formateur sous la raison sociale de Forest Goods Growing, a montré d’autres vecteurs d’espoir en provenance du sud, et dissimulés sous un sigle de technocrate : les PFNL, ou produits forestiers non ligneux. Parmi les nombreux exemples évoqués, une success story féminine symbolise le message : « Dans le Maroc d’Hassan II, cette personne cherchait des conseils pour monter une coopérative de transformation des noix d’arganier, un arbre qui fournit aussi un très bon bois de feu et du fourrage pour les chèvres. 20 ans plus tard, deux coopératives couvrent le territoire du pays et la régulation des conflits d’usage s’est organisée, pour préserver les multiples fonctionnalités de l’arbre », témoigne l’agronome spécialisé dans le développement rural.
Redéployer les trognes en ville
En France, la renaissance de « l’arbre paysan » offre une autre piste multifonctionnelle chère à Dominique Mansion : dans son livre sur « La Trogne », ce dernier a recensé plus de 200 dénominations pour cette technique de conduite utilisée pour des clôtures vivantes qui hébergent les insectes, oiseaux ou chauve-souris, auxiliaires de la production agricole. Peut-on imaginer une renaissance urbaine de l’arbre paysan ? « Cette hypothèse se heurte à la responsabilité de l’élu, face à la peur, même sans fondement, suscitée par l’arbre creux en ville. Héritier de l’art des jardins des XVIIIème et XIXème siècle, l’arbre urbain d’aujourd’hui cherche la hauteur », prévient Christian Riboulet, expert judiciaire spécialiste de ce sujet. Ce débat a marqué la table ronde animée par Paysage Actualités à la fin de la première journée du congrès. Mais la trogne urbaine n’a peut-être pas dit son dernier mot : « Le regard change », espère Dominique Mansion.
Pour stimuler ces nouveaux regards, Matthieu Lemouzy annonce un rythme biennal pour les prochaines éditions des « Arbres en congrès », qui quitteront la région parisienne à partir de 2018.