La surmortalité des arbres, le ralentissement de leur pousse et les restrictions d’arrosage mettent Angers (Maine-et-Loire) en état d’alerte, comme le décrit Hélène Cruypenninck, adjointe au maire chargée de l’Environnement et de la Nature en ville : « Peut-on pousser plus loin le curseur des plantations ? Comment arbitrer entre les risques d’allergie, les critères esthétiques, l’encombrement de l’espace public ? Nous manquons d’éléments sur la capacité des végétaux à résister au changement climatique ».
Pérenniser les plantations urbaines
Le questionnement de la représentante du maire d’Angers, qui préside de droit le centre de ressource Plante & Cité basé dans cette ville, résume le cahier des charges du projet Adaptation du végétal au climat de demain (Avec), résultat d’une prise de conscience récente : « Le végétal aide à l’adaptation, mais il doit lui-même s’adapter », souligne le paysagiste Pierre Darmet.
Une étude franco-australienne publiée en septembre 2022 entretient l’inquiétude : « Le risque de dépérissement touche la majorité des arbres étudiés dans un échantillon de cinq villes de France », alerte Marie-Reine Fleisch, enseignante chercheuse en foresterie urbaine à l’université de Lorraine et AgroParisTech.
Bertrand Martin, représentant des Ingénieurs territoriaux de France à Plante & cité et directeur des jardins de Rennes, pose la question qui taraude de nombreux élus : « Comment pérenniser les 30 000 arbres promis pour 2026 » ?
Sesame s’ouvre aux territoires
Pour y répondre dans les 20 prochains mois, l’association nationale basée dans la capitale de l’Anjou s’est alliée avec les deux piliers de l’ingénierie environnementale de l’Etat : l’Agence de la transition écologique (Ademe) et le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), engagés respectivement à hauteur de 80 et 20 K€, sur un budget de 147 K€.
Le plus petit contributeur financier détient une longueur d’avance sur le sujet, depuis le lancement en 2016, avec la ville de Metz, du projet sur les Services écosystémiques rendus par les arbres, modulés selon l’essence (Sesame). « Depuis cette étude fondatrice, une dizaine de territoires l’ont adaptée à leur climat. Une trentaine de collectivités nous sollicitent pour leur emboîter le pas. Au lieu d’une centaine d’essences au départ, la base en répertoriera bientôt 500, puis 1000 », annonce Tarik Yaiche, responsable Biodiversité et aménagement au Cerema.
De l’essence à l’individu
L’enrichissement des recherches pilotées par cet établissement se manifeste également dans l’introduction de nouveaux critères, comme la capacité des végétaux à limiter les ruissellements et à fixer les berges. Au-delà des essences, la finesse d’analyse recherchée par les partenaires d’Avec va jusqu’à la physiologie de chaque individu, pour orienter l’entretien : « Les risques d’embolie occasionnés par les aléas climatiques varient avec la taille des vaisseaux », souligne Pauline Laille, coordinatrice scientifique de Plante & Cité, gestionnaire de Floriscope, la base de données de référence sur les essences adaptées aux espaces verts.
Moins attendue sur la nature en ville, l’Ademe n’en revendique pas moins ce sujet comme partie intégrante de son cœur de métier. « La neutralité carbone en 2050 passe par la préservation du vivant », justifie Baptiste Perissin-Fabert, directeur exécutif de l’expertise et des programmes. Cette analyse a conduit l’agence à s’allier avec la région Hauts-de-France pour développer Arboclimat, une application libre d’accès destinée à orienter la sélection d’essences résilientes.
Diffusion immédiate
Grâce à leur partenariat prometteur et inédit, les gestionnaires d’Arboclimat, de Sesame et de Floriscope multiplient les initiatives susceptibles d’accélérer l’appropriation des services climatiques rendus par le végétal. Le Cerema mettra en ligne le site web de Sesame début juin. L’Ademe compte sur la start-up d’Etat « Plus fraîche ma ville », pour diffuser son expertise.
Enfin, le centre de ressource d’Angers peut miser sur sa capacité à mobiliser la filière professionnelle du paysage. La Nouvelle-Aquitaine en offre un avant-goût, avec la charte « Des logements des arbres », signée par les promoteurs immobiliers, les entreprises de paysage et les producteurs du syndicat Verdir.
Membre de ce dernier, Antoine Daganaud résume le message : « On parle d’espèces tolérantes. Encore faut-il arroser, pour réguler la transpiration ». Le ministère de la Transition écologique semble avoir entendu le message : les arbitrages en cours autoriseraient l’arrosage des jeunes arbres, entre 20 h et 9 h, même en période de restriction.