Considérez-vous que le Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique se situe bien dans le prolongement des assises de 2018 et 2019 ?
Après avoir refusé d’y participer, des associations ont surréagi, sur le thème d’une main mise de l’agriculture intensive sur l’eau. C’est dommage. Au sein du Comité national de l’eau, elles ont participé à la séance dédiée au Varenne, avec des éclairages utiles. Sans doute sont-elles dans leur rôle, mais sur le fond, je ne peux pas suivre leur critique, dès lors que l’exercice de concertation se situait clairement dans le prolongement des assises, à l’initiative conjointe des ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique, sur un sujet compliqué : quelles solutions techniques pour répondre aux besoins en eau, sans renoncer à l’ambition de sobriété ?
Le grand mérite du Varenne a consisté à pointer toutes les pistes agricoles pour y répondre, y compris à travers les économies d’eau dans les pratiques culturales.
Que peut-on espérer du renforcement du rôle des projets de territoire pour la gestion de l’eau, qui fait partie des conclusions du Varenne ?
Ces PTGE résultent des assises, et plus précisément du groupe de travail dédié au partage de l’eau. Encouragé par l’Etat qui souhaite en voir émerger une centaine, le processus se développe dans une grande variété de territoires, en particulier dans le sud-est. Les besoins sont partout. Encore-faut-il que les maîtres d’ouvrage s’en emparent, c’est-à-dire que les collectivités se mobilisent. Dans ce but, le Varenne a posé un discours de la méthode.
Mais ces PTGE ne font-ils pas double emploi avec les Schémas d’aménagement et de gestion des eaux (Sage) ?
Quand ils existent, en effet, les Sage offrent de bons outils de planification et de concertation. Mais la carte de France montre que le territoire est loin d’être couvert.
En l’absence de Sage, d’autres outils plus simples permettent d’organiser une gouvernance de l’eau efficace. L’impulsion des préfets, dans ce processus, ne doit pas s’interpréter comme une mise sous tutelle des collectivités : la gestion de l’eau exige à la fois un Etat fort et des territoires qui s’en emparent, pour adapter les projets aux contextes. La recherche du bon équilibre entre les usages agricoles, l’alimentation en eau potable et le bon état des milieux s’impose à toutes les échelles, mais elle ne se décrète pas.
Les projets de retenues figurent parmi les thèmes les plus sensibles. Doit-on s’attendre à une multiplication de ce type d’ouvrages ?
Peut-être, mais avec des capacités de stockage modeste, dimensionnées selon les besoins des territoires. Nous ne sommes plus à l’époque de Serre-Ponçon, et le Varenne a tiré les leçons des mauvais exemples comme ceux des barrages de Sivens et de Caussade, caractérisés par un Etat peu performant dans le processus de décision.
Le dimensionnement mobilise les compétences scientifiques et techniques d’institutions qui ont participé au Varenne : je pense à l’Inrae, au BRGM ou au Cerema, formidables leviers d’aide à la décision au service des collectivités.
Soulignons aussi que les documents d’urbanisme s’ouvrent aux solutions fondées sur la nature, qui peuvent faciliter la conception d’ouvrages multifonctionnels et bien insérés dans le paysage.
Quelles suites espérez-vous dans les mois à venir ?
En présentant les conclusions du Varenne, le Premier ministre Jean Castex a annoncé la désignation prochaine d’un délégué interministériel à l’eau. Le portage conjoint des ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique entretiendra l’esprit des assises qui ont couvert toutes les dimensions du sujet, dans le petit comme dans le grand cycle.
Le liant entre l’agriculture et l’écologie facilitera l’appropriation de l’accumulation des connaissances scientifiques et techniques. J’y vois aussi le reflet de l’esprit d’ouverture qui préside aux travaux du Comité national de l’eau, avec l’ambition d’une prise en compte prioritaire dans l’agenda politique.
Notre session de mars le démontrera encore sur cette question majeure : qui paye l’eau et qui paye la biodiversité ? Après les rapports remis en décembre à la secrétaire d’Etat Bérangère Abba par les parlementaires Christophe Jerretie et Alain Richard, il revient au CNE d’approfondir une réflexion de qualité sur ce sujet, dans un débat ouvert à toutes les parties prenantes de la politique de l’eau.