Le très bio chai de Beaucastel

Sur le terroir de Châteauneuf-du-Pape, la famille Perrin met un point d'honneur à respecter le sol. Ses nouvelles caves en ont tiré leur matière.

Réservé aux abonnés
Image d'illustration de l'article
Bâtiment bioclimatique, le chai est conçu pour que ses nouvelles caves soient parcourues par un air maintenu à 14 °C.

Inauguré en mai dernier, le chai de Beaucastel ressemble à tout ce qui fait la réputation de ce domaine. Il a la couleur ocre de la terre couverte de galets de son vignoble, situé à Courthézon (Vaucluse), sur le terroir de l'AOC Châteauneuf-du-Pape. Il dégage la puissance tranquille des vins qui sont fabriqués là et la franchise de la démarche visionnaire entreprise, il y a des décennies, par la famille Perrin.

Dès les années 1950, les propriétaires du château de Beaucastel ont adopté des règles de production biologique. Quand la chimie triomphante promettait de meilleures récoltes, Jacques Perrin avait décrété que ni engrais, ni pesticide n'entreraient dans son sol. Toutefois, si la terre était respectée et si les vins qu'elle fait naître sont reconnus, jusqu'à récemment encore le patrimoine bâti laissait à désirer.

Belle facture

Le château d'origine est une maison de maître du XVIIe siècle, simple tout en étant de belle facture. Mais alentour, à l'exception de longs chais de production en charpente bois, le site avait été colonisé par des hangars disgracieux, construits au gré des besoins. La génération des petits-enfants de Jacques Perrin, aujourd'hui aux commandes, avait de nouvelles priorités pour mieux travailler et surtout mieux conserver ses vins dans de bonnes conditions climatiques. Il en allait aussi de l'image du domaine. Même si les Perrin n'ont pas succombé à la tentation, comme d'autres avant eux, de promouvoir leur nom à travers un édifice ébouriffant.

Avec la société d'assistance à maîtrise d'ouvrage Because Architecture Matters (BAM), la famille a donc lancé un concours qui a attiré des candidatures par centaines, dont celles de trois prix Pritzker. L'équipe qui a été désignée lauréate en 2018 repose, elle aussi, en partie sur un nom connu : l'agence Studio Mumbai, de l'Indien Bijoy Jain. Il s'est associé ici à l'agence Studio Méditerranée, fondée deux ans plus tôt par Louis-Antoine Grégo.

Les deux architectes se connaissent bien puisque le second a travaillé chez le premier pendant trois ans - « Bijoy Jain est mon mentor », estime le Français -, et ils partagent des valeurs de profond respect pour l'environnement. Ensemble, ils ont conçu un projet dans lequel un troisième homme, Philippe Clément, du bureau d'études structure Batiserf, a joué un rôle crucial. L'équipe a en effet convaincu les Perrin qu'il fallait construire le nouveau chai en utilisant la terre sur laquelle ils veillent avec tant de soin.

Pisé pourpre

Sur l'espace attenant à la maison historique, débarrassé de ses hangars parasites, un trou vaste comme l'emprise du futur chai a donc été creusé pour obtenir la matière de la construction, soit 30 000 m3 de terres. Celles-ci ont été triées et évaluées pour adapter la mise en œuvre à la ressource disponible. Ainsi, la quantité d'argiles rouges était suffisante pour réaliser un tiers du projet en pisé pourpre. Le reste des 6 500 m² de bâtiments neufs sont faits de béton de site beige doré. Louis-Antoine Grégo l'affirme, « 90 % du chai » sont issus de ce qu'a produit le lieu… y compris des matériaux récupérés lors des démolitions préalables. Le reste a été recherché au plus près.

Par ailleurs, enfoncer la construction dans le sol a permis de profiter de son inertie thermique, donc d'une « ressource infinie de froid gratuit », note l'architecte. Grâce à des bassins de collecte des eaux pluviales au dernier sous-sol et un système de tours à vent inspirées des bâdgirs perses, un air à 14 °C circule dans les caves voûtées où sont stockés les millésimes. Tout a été dicté par l'efficacité, rien par l'esthétique, selon Louis-Antoine Grégo… qui admet cependant : « Ces formes sont belles parce qu'elles ont du sens. »

Image d'illustration de l'article
10122_565728_k3_k1_1352881.jpg 10122_565728_k3_k1_1352881.jpg
Image d'illustration de l'article
10122_565728_k4_k1_1352890.jpg 10122_565728_k4_k1_1352890.jpg
Image d'illustration de l'article
10122_565728_k5_k1_1352885.jpg 10122_565728_k5_k1_1352885.jpg

Informations techniques

Maîtrise d'ouvrage : famille Perrin.

Maîtrise d'œuvre : Studio Méditerranée (architecte mandataire), Studio Mumbai (architecte), Batiserf (BE structure), Tom Stuart-Smith Ltd (paysage).

Principales entreprises : Cari Fayat (gros œuvre), Checconi (maçonnerie, taille de pierre), TM (charpente, couverture).

Surface totale : 8 400 m² SP.

Coût des travaux : 14 M€ HT (hors décoration).

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !