Boston, Philadelphie, Chicago... En 1945, nombre de villes américaines se proposent pour accueillir l'Organisation des Nations Unies (Onu), tout juste créée. New York l'emporta. L'Organisation devait s'installer initialement à la place de l'ancienne foire de Flushing Meadow Park, dans le Queens. John D. Rockefeller réussit à l'attirer à Manhattan, le long de l'East River, entre la 42e et la 48e rue, en léguant à la ville un terrain de sept hectares racheté à un promoteur en faillite. Aujourd'hui, le site est bordé des drapeaux de chacun de ses membres, de l'Afghanistan au Zimbabwe. Une dizaine d'architectes de renommée internationale, parmi lesquels Wallace K. Harrison, Oscar Niemeyer et Le Corbusier, furent chargés de concevoir un bâtiment sur ce territoire international qui échappe à l'autorité américaine. Malgré leur talent, Mies van der Rohe et Walter Gropius furent d'office écartés de l'équipe en raison de leurs liens historiques avec l'Allemagne. Les concepteurs optèrent vite pour trois immeubles autonomes, le Secrétariat, l'Assemblée Générale et le bâtiment des Conférences. En 1961, sera ajoutée une bibliothèque. A dix autour de la table à dessin, la gestation fut difficile. Le plan "23A" d'abord retenu, très influencé par Le Corbusier, laisse la place à un plan "23W", surtout dessiné par Niemeyer. On reconnaît son trait dans le bâtiment à cinq étages de l'assemblée générale à la silhouette de béton courbée, dont l'hémicycle de 1.800 sièges émerge à l'extérieur sous la forme d'une coupole. A proximité, un petit parc public est planté d'œuvres d'art dénonçant la violence ou appelant à la paix, offerts par les pays membres.
Un style dit "international"
L'édifice le plus reconnaissable, montré notamment au cinéma, abrite le secrétariat. "L'Interprète", un film de Sidney Pollack - et le seul à avoir été tourné dans le vrai décor - en montre les dédales. Dans "La Panthère rose", il est désintégré par un rayon X... Cet immeuble haut et étroit, devenu le symbole des Nations Unies, célébrait la gloire de l'acier, du verre et de la transparence des futures relations internationales. Accroché à une structure métallique dont les poteaux porteurs sont espacés de 8,5 mètres, le mur-rideau est d'un verre teinté pour bloquer un peu la chaleur et éviter l'installation systématique de la climatisation. Il se développe sur 39 étages et environ 170 mètres de haut. C'était l'un des premiers à New York et ce style dit "international" influença de nombreux immeubles tertiaires par la suite. Au moment de sa construction entre 1948 et 1950, il tranchait totalement avec son environnement et les immeubles néogothiques de Tudor City, un quartier construit à la fin des années vingt. La façade transparente n'est interrompue que tous les dix niveaux par des grilles d'aération qui séparent également du toit le bureau stratégique du secrétaire général. Les pignons étroits et aveugles sont recouverts de marbre du Vermont. A l'intérieur, les plans libres étaient faits pour faciliter les aménagements et moduler les 80.000 m2 d'espaces de bureaux. Les cloisons métalliques non porteuses se démontaient et se remontaient sans dégâts. Aujourd'hui l'immeuble est devenu trop petit et les fonctionnaires sont déjà dispersés dans les nombreux immeubles alentours.