Les professionnels de la construction devront bel et bien composer avec la création d’une filière REP (responsabilité élargie du producteur) au 1er janvier 2022. Jeudi 30 janvier 2020, en séance publique au Sénat, le projet de loi relatif à la lutte anti-gaspillage et à l’économie circulaire, dont l’article 7 instaure cette filière pollueur-payeur dans le secteur du bâtiment a été définitivement adopté après l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire. La promulgation de la loi est attendue dans les prochaines semaines.
Dans moins de deux ans, la filière REP, qui financera la reprise gratuite des déchets de chantier triés, deviendra donc une réalité pour un secteur qui aurait préféré que le projet de loi lui laisse la possibilité de proposer un schéma interprofessionnel alternatif.
"Le souhait de la Capeb (Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment) et de la filière de proposer un système équivalent ou alternatif à la mise en place d’une REP n’a pas été retenu, en dépit des promesses faites par le gouvernement", a déploré la confédération mardi 28 janvier.
Le 3 décembre 2019, c’est le collectif dit "des quatorze", regroupant notamment la Capeb, la Fédération française des bâtiments ou encore l’Union sociale pour l’habitat, qui dénonçait un "État qui se lance aveuglément dans une REP, balayant les propositions de la profession". Il anticipe un renchérissement de 8 % à 10 % du prix des matériaux de construction, "insupportable pour les maîtres d’ouvrage".
L’importance des décrets d’application
Les acteurs de la construction ne s’avouent néanmoins toujours pas vaincus. Selon nos informations, le collectif "des quatorze" s’est d’ailleurs réuni lundi 27 janvier, afin de comparer leurs interprétations respectives du texte de loi issu de la commission mixte paritaire. "L’idée n’est pas de remonter au créneau mais d’éviter que [la REP] ait un impact économique inacceptable sur les coûts de construction", explique un participant à cette réunion. Selon lui, "des discussions pourraient être possibles" dans le cadre du travail sur les futurs décrets d’application de la disposition.
De fait, un décret en Conseil d’État est attendu pour définir les modalités d’application de la REP. "Les décrets d’application de la loi anti-gaspillage seront importants car ils préciseront notamment les modalités de mise en place de la REP pour les différents produits et matériaux de construction. Ils définiront également la forme de cette REP, détermineront si elle sera gérée par un éco-organisme, les missions de celui-ci et, notamment, s’il sera financier ou pas", c’est-à-dire s’il se contentera d’aider financièrement ceux qui collectent et traitent déjà les déchets ou s’il interviendra directement, renchérit Erwan Le Meur, président de Federec BTP. "Ces décrets préciseront les contours de la loi mais ne l’assoupliront pas", nuance-t-il.
L’Ademe remettra sa copie le 1er janvier 2021
Selon un autre participant à la réunion "des quatorze", lundi, les acteurs de la construction pourraient proposer de cofinancer l’étude de préfiguration de la filière REP que le ministère de la Transition écologique a commandée à l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) et sur laquelle il s’appuiera pour finaliser le dispositif.
Le but serait d’être "co-acteur" de cette étude, qui doit débuter en mars et s’achever en fin d’année. Une proposition qui, si elle se confirmait, ne devrait pas trouver d’écho. "Nous allons entrer dans une phase de préparation de ce que pourrait contenir une future REP", rétorque Jean-Christophe Pouet, chef du service mobilisation et valorisation des déchets à l’Ademe.
Cette dernière choisira courant février le prestataire qui réalisera l’étude de préfiguration. In fine, l’Ademe remettra sa copie au ministère le 1er janvier 2021. Celui-ci rédigera un cahier des charges au premier trimestre 2021, sur la base de ces travaux, et lancera un appel d’offres à l’été, au terme duquel il sélectionnera le ou les éco-organismes qui gérera la filière REP.
Et, "au 1er janvier 2022, les entreprises du secteur de la construction devront avoir signé un contrat d’adhésion avec cet éco-organisme pour ne pas être en défaut vis-à-vis de la loi", prévient Jean-Christophe Pouet.