Au prix d’un report de la dette et d’un recours important à l’emprunt, le Printemps marseillais, coalition de gauche à la tête de la Ville de Marseille, a pu inscrire 253,6 millions d’euros de dépenses d’équipement (soit +11% par rapport à 2020) dans le premier budget primitif de son mandat établi à 1,525 milliard d’euros.
Conformément aux ambitions affichées par la nouvelle équipe municipale, la remise à niveau de son parc scolaire composé de 472 écoles est la priorité avec 21 % des dépenses prévues, soit 48 millions d’euros dédiés à l’action éducative. En parallèle, Pierre-Marie Ganozzi, adjoint au maire en charge du Plan écoles, a annoncé un travail avec l’Etat sur un plan de réhabilitation des écoles « pour que les enfants puissent étudier partout dans la ville, dans les meilleures conditions ».
Dans ce sens, l’équipe municipale a présenté au vote, ce vendredi 2 avril, une délibération actant le principe d’une autorisation de programme de 85 millions d’euros pour « les études, la conception des écoles et la réalisation des travaux » en vue de la rénovation de six groupes scolaires dits « Geep », du nom du concepteur-réalisateur, le Groupement d’études et d’entreprises parisiennes : Bouge, Malpassé-Les Oliviers, Aygalades-Oasis, Saint-André - La Castellane, écoles Emile-Vayssière (différents sites) et Parc Kallisté (consulter la délibération).
Ecoles Geep
Le texte a failli créer la polémique. En effet, une première version prévoyait le recours aux marchés globaux de performance (MGP). A sa lecture, le sang de Maxime Repaux, président du syndicat des architectes des Bouches-du-Rhône (SA13), n’a fait qu’un tour. Membre du collectif contre le PPP des écoles, ce dernier avait lutté contre le projet de l’ancienne municipalité de réaliser avec des marchés de partenariat d’une valeur de plus d’un milliard d’euros la démolition-reconstruction d’une quarantaine d’écoles Geep. Mené avec la Capeb, l’Ordre des architectes, le Cinov, des représentants de parents d’élèves et des enseignants, dont faisait d’ailleurs partie l’actuel adjoint en charge des écoles alors syndicaliste au FSU, ce combat a permis de définitivement l’enterrer avec un arrêt du 27 décembre 2019 de la cour administrative d’appel de Marseille annulant le projet de PPP voté en conseil municipal deux ans plus tôt.
Amendement
Un courrier adressé au maire Benoît Payan et un coup de fil à Samia Ghali, adjointe au maire notamment en charge de la stratégie municipale sur les projets structurants de la ville, pour lʼégalité et lʼéquité des territoires, ont permis le retournement de situation. Vendredi, la délibération, présentée au vote, était amendée. Aux cinq écoles, prévues au départ, a été rajoutée celle du Parc Kallisté et le terme « marché global de performance » a disparu.
Mardi 30 mars, lors d’une conférence de presse dédiée à la présentation des orientations du budget primitif, Pierre-Marie Ganozzi avait défendu le choix de ce mode de dévolution : « Il s’agit du premier étage de la fusée du plan école d’avenir. Il nous fallait faire très vite avec un choix des entreprises pendant l’année 2021, le démarrage des travaux fin 2022 et une réhabilitation achevée fin 2024 ou tout début 2025 », avait-il déclaré.
L’enjeu était de profiter du plan de relance qui finance des projets prêts à partir en travaux avant fin 2021. De plus, les écoles Geep ciblées dans la délibération sont toutes situées dans des quartiers prioritaires de la ville. Au titre de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) et de l’Anru, la collectivité peut tabler sur un taux de financement pouvant aller jusqu’à 90 % du coût HT des travaux. Une manne non négligeable pour Marseille, vu ses faibles marges de manœuvre financière et la vétusté d’une grande partie de son parc scolaire.
Ecart de prix
L’argument ne convainc pas Maxime Repaux qui y voit une dépense inutile d’argent public. « On sait très bien que le MGP est 20 à 30 % plus cher qu’un mode de dévolution classique en loi MOP et en corps d’état séparés. En tout cas, c’est ce qui ressort de l’analyse de ceux passés ces dernières semaines en région Paca. Rien ne justifie cet écart de prix. De plus, nous sommes capables d’atteindre une performance énergétique et de la garantir en loi MOP. », assure-t-il.
« La vitesse de traitement est un faux argument, ajoute l’architecte, en loi MOP, on peut faire vite et bien. Il suffit d’un cahier des charges bien ficelé, avec mention de critères de délai sur l’organisation du concours d’architecture mais aussi sur la réalisation des travaux. Il suffit de mettre des plannings plus courts. Il faudrait aussi que les élus prennent des décisions et signent les validations de phases plus vite », conclut-il.
La stratégie financière de Benoît Payan
« Face à la persistance de la crise sanitaire et à ses conséquences économiques et sociales », la Ville de Marseille a décidé de ne pas augmenter en 2021 les taux d’imposition, déjà élevés des ménages, pour ne pas « ajouter de l’inégalité à l’inégalité », soit, en 2021, 39,07 % de taxe foncière sur les propriétés bâties et 24,99 % de taxe foncière sur les propriétés non bâties.
À côté de cela, la Ville a déposé une demande auprès de l’Etat pour faire de Marseille une ville pilote dans la révision des bases locatives.
Pour se donner des marges de manœuvre, le maire Benoît Payan ira renégocier la dette, chiffrée fin 2020 à 1,54 milliard d’euros, auprès de la Sfil. Il souhaite ainsi diminuer le remboursement en capital de 63 millions d’euros de 2021 à 2024 (20 millions d’euros dès 2021 puis 6 millions d’euros en 2022, 19 millions d’euros en 2023 et 18 millions d’euros en 2024). Il table sur la faiblesse des taux d’intérêts pour réaliser ce réaménagement avec un faible surcoût en raison d’un taux de refinancement global de 1,5 % alors même que les prêts quittés affichent des taux plus élevés (entre 1,50 % et 4,93 %).
Avec comme ligne directrice « une ville plus verte et démocratique », la nouvelle municipalité confirme avec son premier budget primitif les ambitions affichées lors de la campagne, soit 21 % des dépenses d’équipement fléchées sur l’action éducative (48 millions d’euros), 20 % sur l’économie et l’urbanisme (47 millions d’euros), 14 % sur l’environnement (31 millions d’euros).