Interview

« Le potentiel français pour le photovoltaïque en résidentiel est énorme », Julie Orzechowski (Otovo)

"Head of operations" du groupe norvégien leader de l'installation de panneaux photovoltaïque clefs en mains pour le résidentiel, Julie Orzechowski détaille pour LeMoniteur.fr les atouts du marché français et les freins qu'il reste à lever pour exploiter pleinement son potentiel.

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Julie Orzechowski, Head of operations Otovo France
Julie Orzechowski, Head of operations Otovo France

Comment se situe la France au niveau de l’équipement en panneaux solaires photovoltaïques pour le résidentiel ?

Otovo a dépassé les 20 000 installations en 2022 depuis sa création. La France est clairement le marché à la traîne en Europe. Seulement 2% des maisons sont équipées. L’installation moyenne est de 4,3 KwC soit 10 panneaux par maison. Le potentiel est donc énorme.

D’où viennent vos panneaux ?

Nous sourçons du matériel avec des critères extrêmement poussés en termes de fiabilité et de durée dans le temps. Il faut sécuriser les approvisionnements pour faire face à la demande. De plus, comme nous proposons une offre de location nous devons être capables de trouver des marques qui existeront encore dans 20 ans. Nous travaillons avec différentes marques et nous proposons beaucoup de panneaux chinois, leaders du marché mondial, qui offrent le meilleur rapport qualité-prix mais notre ADN européen nous pousse à rechercher la production européenne.

La stratégie française pour l'énergie et le climat (Sfec), publiée récemment, impose un effort de doublement du rythme annuel de déploiement du photovoltaïque pour atteindre plus de 75 GW en 2035 (avec possibilité d'ambitions renforcées). Quelle est la part que peut prendre le secteur résidentiel ?

Elle est énorme. L’ensoleillement en France est très satisfaisant. Or, d’après notre panorama européen sur les énergies renouvelables publié ce mois-ci, les pays les plus équipés sont les Pays-Bas (25%) et la Belgique (20%) alors que ce taux ne se monte qu’à 2% en France. Mais le marché du solaire en France est l’un des plus prometteurs d’Europe. Aujourd’hui un projet est rentable quelle que soit sa localisation en France. On peut gagner en moyenne 38 200 € sur 30 ans d’après notre Solar Index publié en 2022. Et ce montant est appelé à considérablement augmenter dans les mois à venir en raison des augmentations du prix de l’électricité prévues en 2024. Surtout, la France est le pays qui compte le plus de maisons individuelles : 20 M, dont je le rappelle seules 2% sont équipées. Il y a des politiques volontaristes pour équiper des ombrières de parkings, pour des sols qui ne peuvent pas être exploités autrement, mais peu pour les toitures. Nous attendons donc une politique plus incitative pour débloquer le solaire résidentiel dont la fiscalité n’est aujourd’hui pas avantageuse par rapport à la pompe à chaleur par exemple. Aujourd’hui la TVA est à 10% pour les petites installations alors que la commission européenne recommande aux pays de la passer à 0%. S’il y a une prime à la revente, on ne peut la toucher qu’au bout d’un an ce qui nécessite d’en avancer le montant (1500 à 3000 €). Enfin le prix de rachat de l’électricité (13 c€) n’est pas assez incitatif. Nous aimerions que le gouvernement concrétise cette SFEC par des initiatives pour le solaire résidentiel.

Quels sont les autres freins en France ?

Nous sommes le pays où l’autorisation d’installation est la plus compliquée à obtenir. Il en faut deux : l’autorisation d’urbanisme et celle du gestionnaire du réseau. Les maires ne sont pas tous enclins à délivrer les autorisations - et c’est vrai que dans les zones classées, les Architectes des bâtiments de France rajoutent une strate supplémentaire. En Belgique, aux Pays-Bas, en Norvège il n’y a pas besoin d ‘autorisation d’urbanisme. On peut mettre ce qu’on veut sur son toit d’autant plus si c’est pour être autonome et consommer moins d’énergie. Nous espérons donc un allègement des démarches. C’est aussi pourquoi nous accompagnons nos clients du raccordement au fournisseur d’énergie en passant par les demandes d’autorisation auprès de la mairie.

Est-ce que l’objectif de la Sfec est atteignable selon vous ?

Oui si on arrive à avoir des actions décisives de simplification. La demande a explosé en 2022. Beaucoup de panneaux sont disponibles sur le marché. La filière est en marche.

Est-ce que l’intégration au bâti est toujours un frein ?

L’intégration est aujourd’hui une technique obsolète. Une étude d’Enerplan a montré que l’intégration au bâti engendrait 90% de malfaçons et de litiges en plus. Maintenant on utilise la surimposition (panneaux sur rails posés sur les tuiles) qui est meilleure pour la circulation de l’air et l’étanchéité de la toiture. Malheureusement, une grande partie des PLU n’ont pas été adaptés aux évolutions des techniques de pose et demandent encore spécifiquement l’intégration au bâti…

Où en est le secteur de l’installation en termes de qualité ?

Il y a eu un gros travail de nettoyage. Otovo pour la sélection de ses artisans fait des audits très poussés : appels clients, vérification des accréditations et de la sinistralité. Mais RGE est un vrai gage de confiance. On peut dire que la France est un des pays les plus réglementés et les plus suivis.

Si on passe à 10, 20% d’équipement des maisons dans les prochaines années, est-ce que l’infrastructure réseau sera suffisante ?

Oui. Ici on parle d’autoconsommation avec de la revente du surplus. Ça représente 95% du marché. En ce sens-là, si c’est accompagné, il n’y a pas d’impact réseau puisque seul le surplus sera réinjecté. Pas besoin d’augmenter la taille des réseaux. Il y a même selon moi une vraie politique à avoir à long terme pour favoriser l’auto-consommation avantageuse pour Enedis et RTE.

Est-ce que la main d’œuvre est suffisante pour accompagner une montée en puissance ?

Nous sourçons les meilleurs artisans sur le territoire pour une meilleure couverture et les meilleurs prix. Il n’y a pas de problèmes de capacités à terme même s’il existe des difficultés à recruter parfois.

Quelles sont les offres que vous seriez amenés à proposer pour accompagner l’efficacité énergétique ?

Nous proposons déjà des pompes à chaleur en Italie et des chargeurs de voitures électriques en Allemagne. L'électrification de nos modes de vie va considérablement renforcer l'attrait de produire sa propre énergie (solaire) bon marché depuis son toit

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