Interview

Entretien : «Le plan paysage et écologie peut être utilisé comme fil rouge d'un projet de territoire», Damien Butin, ingénieur paysagiste

Directeur stratégie et maîtrise d'ouvrage du patrimoine naturel à Bordeaux Métropole, et auteur du livre « Politique paysagère - Pour une ville verte et durable » (1), Damien Butin explique l'intérêt d'élaborer des plans paysage et écologie (PPE) - outil qu'il a mis au point - pour répondre aux enjeux du XXIe siècle.

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Damien Butin
Selon Damien Butin, « le paysage et la biodiversité sont des clés d'entrée incontournables pour structurer les politiques publiques ».

La notion de paysage est-elle définie juridiquement ?

La loi de protection du paysage de 1993, malgré son nom, n'en donne pas de définition. C'est la Convention européenne du paysage du Conseil de l'Europe du 20 octobre 2000 [publiée par la France par un décret de 2006, NDLR] qui pose le socle commun et définit le paysage comme « une partie du territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l'action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations ».

Les politiques paysagères sont-elles à la hauteur des enjeux climatiques et de perte de biodiversité ?

Les politiques environnementales sont généralement segmentées. Cette décorrélation ne permet pas de répondre efficacement aux enjeux climatiques et d'érosion de la biodiversité. C'est pourquoi il faut aborder l'enjeu environnemental de manière globale et intégrée.

Et le paysage et la biodiversité sont des clés d'entrée incontournables pour structurer les politiques publiques.

D'où l'intérêt, selon vous, d'élaborer des PPE ?

Absolument. En ville comme à la campagne, dans les espaces remarquables comme dans ceux du quotidien, le paysage joue un rôle majeur dans la qualité de vie des populations et représente un enjeu d'attractivité. La mise en œuvre d'une politique d'aménagement durable du territoire doit passer par une bonne gestion des paysages. Le PPE est une démarche volontaire portée par une collectivité qui invite les acteurs locaux à repenser la manière d'imaginer et de concevoir l'évolution du territoire et la façon d'y vivre. Outre le projet politique, il s'agit aussi d'un outil de dialogue visant à garantir l'acceptabilité locale pour permettre le développement de villes résilientes. En somme, il s'agit d'une démarche pour engager la transition écologique et énergétique des territoires.

Les documents de planification ne permettent-ils pas de parvenir au même résultat ?

Malgré les possibilités d'introduire la qualité paysagère dans le règlement des plans locaux d'urbanisme (PLU/PLUi), cette dimension reste marginale dans les documents actuels. Et quand elle est présente, elle ne constitue pas un élément structurant de la planification. En revanche, un PPE, en tant qu'outil de la connaissance des paysages et de la biodiversité, peut être utilisé comme fil rouge du projet de territoire.

Pourriez-vous citer un plan paysage (PP) modèle ?

Celui de l'agglomération de Blois, adopté en 2016. L'équipe politique voulait faire du paysage un élément constitutif du territoire, tissant toutes les politiques de l'agglomération. Ce PP se décline en 28 actions couvrant l'habitat, les activités économiques, le patrimoine naturel et culturel, les infrastructures, etc. Pour chacune, telle la transformation de routes en rues-jardins, il liste les objectifs à atteindre, les priorités, les outils à mobiliser, des exemples d'actions déjà réalisées. Près de dix ans après, il reste d'actualité.

Un PPE peut-il aider à réconcilier éolien et paysages ?

Le sujet sera toujours épineux. Le paysage est un bien commun dont nous sommes les dépositaires. Comme tout héritage, il doit, pour rester vivant, s'adapter aux évolutions contemporaines et à la transition énergétique. En offrant un espace de dialogue très en amont avec l'ensemble des parties prenantes et une connaissance précise des forces et faiblesses du paysage et de la biodiversité, le PPE peut permettre de déminer des situations. In fine, si le projet doit être réalisé, il sera mieux intégré dans le paysage et probablement mieux compris et accepté.

(1) Editions Berger-Levrault, mai 2024.

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