Une poignée de projets nourrit l’espoir des artisans du printemps du pin d’Alep : le groupe scolaire de Coudoux et l’extension de la chèvrerie de Septèmes-les-Vallons (Bouches-du-Rhône) figurent parmi les signes annoncés par l’interprofession méditerranéenne de la forêt et du bois Fibois Sud, ainsi que par l’association régionale des communes forestières.

Le siège du parc naturel régional des Alpilles, à Saint-Rémy de Provence (Bouches-du-Rhône) a offert une des premières références à la relance du pin d'Alep dans la construction.
Déclic normatif
Stimulée par la perspective de la réglementation environnementale (RE) 2020, cette première floraison résulte d’un événement historique : en avril 2018, le résineux emblématique de l’arc méditerranéen a intégré la famille des pins, dans les tables de calcul des ingénieurs de la construction.
Un compromis politico-territorial a facilité le franchissement du cap : « Pour ne pas froisser les Landes, nous avons légèrement dégradé les performances réelles du pin d’Alep, supérieures à la moyenne obtenue par sa famille », commente Olivier Gaujard, président de Fibois Sud Provence Alpes Côte-d’Azur (Paca), mais aussi fondateur du bureau d’études avignonnais Constructions régénératrices, qu’il a créé après une première vie professionnelle de charpentier.
Mirage papetier
Le retour en grâce de 2018 met fin à la parenthèse de la seconde moitié du XXème siècle : sous leur enveloppe de pierre, les maisons provençales dissimulent le pin d’Alep dans leurs planchers, leur charpente et leurs menuiseries. Dans les années 1950, la mise en service de la papeterie de Tarascon (Bouches-du-Rhône) donne le signal de sa déchéance : la région Paca fournit alors à l’industriel jusqu’à 600 000 tonnes de grumes découpées en billots de 2,50 m de long. Les bûcherons oublient sans regret les précautions exigées par le secteur de la construction, pour manutentionner des pièces de 16 m...
Deux tiers de siècle plus tard et après le tarissement de la demande papetière, les chiffres font froid dans le dos : en 2019, les forestiers de Paca n’ont prélevé que 34 000 m3 de bois, contre 80 000 encore dix ans plus tôt, à comparer aux 480 000 décomptés en Occitanie et aux 1,9 million de la région Auvergne Rhône-Alpes. Le retour de la forêt vers le bâtiment s’est heurté à des écueils longtemps infranchissables : « La mécanique des appels d’offres ne laisse pas le temps de s’attarder sur la provenance de la ressource, et l’évolution des normes a laissé le pin d’Alep sur le côté », soupire Olivier Gaujard.
Nouvelles scieries
La réaction passe par la réponse à l’appel à projets sur les scieries, bouclé le 15 mars par France Relance. L’interprofession projette l’implantation de plusieurs unités réparties sur la région, avec des capacités annuelles proches de 50 000 m3. En aval, ses efforts portent sur toutes les étapes de la transformation : séchage, aboutage, collage, rabotage, jusqu’à la production de lamelles. Seul le CLT échappe pour l’heure aux ambitions interprofessionnelles régionales, en raison de la lourdeur excessive des investissements requis.
La taille des projets et leur répartition territoriale reflète un effort pour favoriser leur acceptabilité. Sur ce point, la mise en sommeil de la filière régionale présente un avantage : la cohabitation d’arbres de tous âges facilitera une exploitation sans coupe rase, respectueuse de la diversité des services rendus par la forêt, à 1000 lieues de l’héritage monofonctionnel des pins landais ou des douglas morvandiaux. Même le changement climatique conforte les promoteurs de l’essence méditerranéenne, mieux armée que le pin sylvestre face à la chaleur et à la sécheresse.

Plus résistant au changement climatique que le pin sylvestre, le pin d'Alep étend son aire d'implantation vers le Nord
L’alignement des planètes ne fait pas de doute, pour Olivier Gaujard : « Les appels à projets qui accompagneront la RE 2020 vont pousser dans notre direction, de même que la stimulation de la demande à bas carbone, impulsée de cette règlementation »