« Le renouvellement de 5 % d’un réseau d’eau peut suffire à prévenir 50 % de ses fuites ». Cette affirmation de Christian Laplaud, P-DG d’Altereo, spécialiste de l’ingénierie de l’eau, repose sur une condition : bien connaître l’historique des canalisations. « Il faut trois ans de données pour prédire les défaillances à venir », abonde Jean-François Closet, directeur adjoint de la même entreprise.
Appel à la mutualisation
La capitalisation, la mutualisation et la sécurisation des données ont logiquement occupé une place centrale, lors du récent webinaire consacré au volet Eau potable de son projet France Data Réseaux, soutenu dans le cadre de France Relance par la direction interministérielle du numérique: un événement co-organisé par Altereo et le réseau Idealco.
L’émiettement persistant des maîtrises d’ouvrage compétentes en eau et assainissement justifie l’invitation au partage : « Les petits services peuvent ainsi bénéficier des données des autres », argumente Sophie Houzet, responsable de la mission Villes et territoires intelligents au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema).
Une application gratuite et simple
La remontée et le traitement des informations reposent sur l’application mobile et gratuite HPO Collect, mise à la disposition des exploitants par Altereo. Kevin Nirsimloo, directeur marketing et prospective de l’ingénieriste, en donne le mode d’emploi : « Lors de la réparation d’une fuite, il suffit d’actionner un gros bouton rose pour enregistrer les cinq données indispensables : emplacement, diamètre, matériau, type de fuite et cause. Les listes déroulantes dispensent des saisies complexes ». L’application fonctionne sur Google comme sur Apple Store.
Les gros bénéfices issus de ce petit effort résultent de la connexion entre la gestion patrimoniale de l’eau et les autres applications mutualisées par Ozwillo, plateforme mutualisée associée à France Data Réseaux et garante de la sécurisation des données tant dans le domaine de l'eau que dans l’éclairage et les bornes de rechargement de véhicules électriques : autant d'infrastructures fédérées par des points d’appui communs comme les poteaux électriques ou les châteaux d’eau.
Le plus de l’intelligence artificielle
Pour stimuler les exploitants, « les partenaires de France Data Réseaux réfléchissent à des carottes comme la visualisation cartographique ou la production automatique de profils patrimoniaux qui permettraient de décrire les fragilités et d’estimer les niveaux d’investissement nécessaires », précise Régis Taisne, chef du département « cycle de l’eau » à la FNCCR.
Les partenaires du projet se tiennent prêts à accueillir d’autres applications complémentaires, comme le Score Card Resilience Eau récemment annoncé par Veolia et le Cerema, centré sur la résilience face au défi climatique. Au-delà, le calcul précis des moments et des lieux les plus propices au renouvellement peut reposer sur l’offre commerciale d’Altereo, pionnier de l’intelligence artificielle appliquée à la gestion patrimoniale des réseaux.
Un enfant des assises
Régis Taine rappelle les ingrédients de l’effet ciseau qui justifie la mobilisation : un taux de fuite qui stagne à 20 %, des conduites souvent construites en PVC durant les 30 glorieuses et dont le vieillissement s’accélère, des moyens qui diminuent dans les agences de l’eau au moment où la pression sur la ressource ne cesse de croître et où des nouvelles familles de polluants se multiplient… Autant de raisons pour optimiser les investissements.
France Data Réseaux s’inscrit dans le prolongement de la première partie des assises de l’eau de 2018, consacrées au petit cycle de l’eau : « Cette concertation s’était conclue par un appel à toutes les collectivités, pour qu’elles contribuent à l’alimentation du système d’information des services publics d’eau et d’assainissement », rappelle son ancien coordonnateur Jean Launay, président du comité national de l’eau.
Tout en se félicitant des progrès promis par la révolution numérique, ce sage des politiques publiques de l’eau a profité du webinaire de la FNCCR pour lancer un appel aux agences dont les missions se sont élargies avec la prise en compte du grand cycle : « L’Alimentation en eau potable et l’assainissement constituent leur devoir majeur, dans le petit cycle. Ne laissons pas les collectivités sans accompagnement, dans ces domaines ! ».