Jurisprudence

Le juge peut annuler le marché public même si le requérant ne demandait que sa résiliation

Le Conseil d’Etat précise l’étendue des pouvoirs du juge saisi d’un recours en contestation de la validité d’un contrat, dit recours « Tarn-et-Garonne ».

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Marchés publics
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2021/06/09N°438047

Ultra petita, c’est-à-dire au-delà de la demande : par un arrêt du 9 juin 2021, la Haute juridiction administrative énonce que le pouvoir du juge pour mettre fin à une irrégularité particulièrement grave d’un contrat public n’est pas limité par ce que le plaignant lui a demandé.

Il précise ainsi l’office du juge dans le cadre d’un recours dit « Tarn-et-Garonne ». Celui-ci permet à tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses, de contester la validité du contrat.

Un candidat évincé à la manœuvre

L’affaire tranchée concernait une mission d’AMO et d’accompagnement juridique, confiée par une commune à une société, pour la construction et la gestion d’un crematorium. Un candidat évincé, estimant que l’attribution de ce marché ne respectait pas les dispositions légales en matière d’exercice du conseil juridique, a saisi le juge administratif, afin de faire prononcer sa résiliation.

Débouté en première instance, il insiste en appel, et demande cette fois l’annulation du marché. Echec à nouveau : les juges d’appel estiment que ces conclusions sont nouvelles au stade de l’appel et donc irrecevables, et qu’ils sont tenus par la demande de résiliation.

Une palette de pouvoirs pour le juge

L’affaire arrive devant le Conseil d’Etat, qui va clarifier ce point. Il rappelle tout d’abord que les sanctions pouvant être décidées par le juge dans le cadre d’un recours « Tarn-et-Garonne » sont graduées :

- « il appartient au juge du contrat, en présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat »…

- « soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci », c’est-à-dire son anéantissement rétroactif.

Et, poursuit en substance la Haute juridiction, ce n’est pas au plaignant de décider de la sanction. Il formule une requête visant l’une ou l’autre, mais le juge peut se prononcer ultra petita. Ce dernier « dispose de l'ensemble des pouvoirs mentionnés […] et il lui appartient d'en faire usage pour déterminer les conséquences des irrégularités du contrat qu'il a relevées, alors même que le requérant n'a expressément demandé que la résiliation du contrat ».

En bref

Il faut donc retenir deux points de cette décision.

- Le juge administratif doit relever d’office un vice grave et peut alors prononcer d'office l’annulation du marché public, même s’il n’était saisi que pour le résilier.

- La demande formulée en première instance devait être regardée comme contestant la validité du contrat et permettant au juge de prononcer la résiliation ou l’annulation ; les conclusions en annulation présentées en appel ne sont donc pas « nouvelles » et s’avèrent recevables.

CE, 9 juin 2021, n° 438047, mentionné aux tables du Recueil

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