«Tu es le plus petit des Apollons. L’Apollon mineur des jours les plus courts. Tu laisses à meilleurs que toi les circumnavigations célestes. Les chevauchées fantastiques autour de l’équateur. Ta mission à toi est plus ordinaire. Elle consiste à pousser du bout du pied la boule solaire le long du périphérique. Tu es le dieu discret des lumières rasantes.
21 décembre. 8h42. Tu apparais au milieu des palmiers de la Porte Dorée.
Et tu t’élances en compagnie des véhicules.
Sur la bâche arrière d’un camion tu lis : TREASURE PARTY Transportes Internacionais. Et tu répètes : la chasse au trésor a commencé!
Tu vois des immeubles qui fument comme des usines. Tu passes au-dessus de trains alignés comme des fusées. Tu frôles des départements. Tu notes : tout est plus grand ici et disproportionné. La ville peut faire semblant d’exister à échelle humaine une fois qu’on est entré à l’intérieur. Dans le circuit des rues domestiques. Mais sur les bords elle ne parvient pas encore à cacher sa monumentalité. Elle s’adresse directement aux millions. A l’ensemble de la population.
Et toi, le Chétif de l’Olympe, tu apprécies la vie amplifiée du périphérique. Tu aimes ces bâtiments énormes. Tous ces Parcs et tous ces Palais. Ces Hippodromes. Pourquoi se contenter d’un simple rayon surgelé quand tu peux avoir la gare frigorifique de Paris Bercy? [...]» Patrice Blouin.
«Apollo Minor» évoque la mission d’une sorte de divinité mineure chargée de pousser une boule solaire le long du périphérique le jour du solstice d’hiver.
Théoricien de l’audiovisuel, critique pour Artpress, Les Inrockuptibles, Les Cahiers du cinéma, Patrice Blouin a publié des contes fantastiques chez l'Arbalète Gallimard et plusieurs essais sur les images du sport. Il est notamment l'auteur de «Magie industrielle» (Hélium, 2016) et de «Popeye de Chypre» (éditions MF, 2021).
La semaine prochaine : «Quatre-chemins», par Faïza Guène…
Films co-produits par Le Pavillon de l'Arsenal et Année Zéro.