«J’aime bien la gare Saint-Lazare. Ou plutôt non, je ne l’aime pas trop. Comme tout le monde. Personne n’aime vraiment la gare Saint-Lazare, elle ne mène pas loin, elle n’a pas le prestige, la charge romantique, le pouvoir propulseur de ses grandes homologues parisiennes, elle n’évoque rien de spécial, ni le soleil et la Méditerranée, Train bleu, PLM, ni crêpes et les petits ports bretons, ni les pubs de Londres, ni même la choucroute. Ce qu’elle évoque, elle, c’est la petite et grande banlieue, le travail, les trains bondés le soir, au mieux les week-ends en Normandie, la porte à côté - c’est plus pratique en voiture, non ? On ne peut même pas la détester, comme les gares RER, parias ferroviaires. Tout le monde s’en fiche un peu, de la gare Saint-Lazare, on l’emprunte, voilà, avec un mélange d’indifférence et de lassitude. C’est justement pour ça que je l’aime bien, j’ai une certaine tendresse, comme pour un vieux chien boiteux (car elle a eu son époque de gloire, quand Deauville semblait loin, mais sa lumière n’a pas survécu aux années 60, elle est restée piégée dans le passé), ou je l’aime bien comme on aime un bâtard sans classe, sans atout, sans éclat. […]». Philippe Jaenada
Dans «La Gare Saint-Lazare», Philippe Jaenada entremêle son histoire et son regard sur cette gare du VIIIe arrondissement de Paris avec un fait divers tragique qui a secoué la France des années 1960…
Philippe Jaenada est l'auteur notamment de : «Le Chameau sauvage» (Julliard, 1997, prix de Flore, prix Alexandre-Vialatte), «Sulak» (Julliard, 2013, Grand prix des lycéennes de Elle), «La Serpe» (Julliard, 2017, prix Femina) et «Au printemps des monstres» (Mialet Barrault, 2021).
La semaine prochaine : «Les Arcades-du-Lac», par Emmanuelle Pireyre…
Films co-produits par Le Pavillon de l'Arsenal et Année Zéro.