Le faucon crécerelle prépare son retour à Notre-Dame

La ligue pour la protection des oiseaux a érigé le faucon crécerelle en emblème de son combat pour le retour de l’avifaune vers la cathédrale parisienne. La note technique rédigée à l’intention du maître d’ouvrage de la restauration dévoile la fonction de « pyramide écologique » jouée par le monument, selon l’association.

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Crécerelle à Notre-Dame
La préservation des cavités constitue la première préconisation de la Ligue pour la protection des oiseaux pour favoriser l'accueil de l'avifaune par Notre-Dame de Paris.

Entre le Je t’aime et le Moi non plus qui ponctuent la relation du faucon crécerelle avec Notre-Dame de Paris, le 15 avril 2019 a marqué une bascule vers la seconde proposition. Mais l’histoire ne s’achève pas là. L’établissement public Rebâtir Notre-Dame a rejoint la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), dans la défense du rapace : l’association et le maître d’ouvrage ont signé en novembre une convention pour favoriser le retour de l’avifaune dans le monument. Des actions de sensibilisation des compagnons marqueront l’application de ce texte, dans les prochaines phases de travaux.

Le coup de grâce du 20 avril 2019

Dans les semaines précédant la catastrophe, les ornithologues avaient eu le temps de se réjouir : « En février, un couple s’apprêtait à  nicher sur une plateforme du transept Nord », atteste la LPO Ile-de-France, auteur de la récente « Note technique sur les espèces du bâti de Notre-Dame ». Le coup de grâce est venu non pas de l’incendie lui-même, mais des premières dispositions qui ont suivi : « Le 20 avril, les observateurs du groupe faucon ont assisté, impuissants, à un vol de drone au-dessus de la cathédrale qui a eu pour conséquence de faire fuir le couple », rapporte la même source.

Au sommet des contreforts des arcs-boutants qui tiennent la nef, les pinacles constituent un logement idéal pour le faucon crécerelle, avec leurs deux ouvertures vers l’extérieur et l’intérieur de la cathédrale, et leur situation à plus de 30 m au-dessus du sol. Observée dans la première moitié du XIXème siècle avant de déserter Paris pendant plusieurs générations après 1870, l’espèce est réapparue dans la seconde moitié du XXème siècle. L’année 1986 marque un record inégalé, avec cinq nids occupés.

Retenir les nettoyeurs

Pour les prochaines phases de travaux et pour l’entretien de l’édifice et de ses abords, la note technique sert désormais de bible. Le faucon crécerelle y occupe la photo de la seconde et de la dernière page ainsi que le chapitre central, le plus détaillé dans les trois angles choisis par les auteurs : état des lieux, présentation d’opérations de référence dans d’autres monuments, et préconisations. La préservation des trous de boulins constitue la première recommandation, pour le rapace comme pour de nombreuses autres espèces.

Compte tenu de la propension du faucon crécerelle à revenir nidifier au même endroit, d’année en année, la LPO supplie les nettoyeurs de pierres de se retenir d’effacer les traces de fiente sous les cavités, baptisées « queues de cheval ».  Un ouvrage neuf gagnerait à compléter cette disposition minimale, comme le montre l’exemple de la cathédrale de Nantes. Le nichoir à faucon crécerelle pèse 30 kg pour 35,5 cm de  largeur et de profondeur, et 42,5 cm de hauteur, avec une ouverture de 24,5 cm de large et 29 cm de haut.

Cavités pour moineaux

A côté du roi des oiseaux de la cathédrale, trois autre focus de la note technique s’attardent sur des espèces ou familles d’espèces symboliques du combat de la LPO pour la biodiversité ordinaire : le moineau domestique, le martinet noir et les chauves-souris.

Absent du parvis de la cathédrale depuis 2017, le premier connaît l’effondrement d’effectifs le plus dramatique. La rénovation du fronton de la mairie du Xème arrondissement offre une référence encourageante : dissimulés dans des cavités par le sculpteur et installés en 2022, les nichoirs en bois ont déjà trouvé preneurs.

2 cm de fente suffisent aux pipistrelles

Des châteaux de Chambord et Chaumont aux centres anciens de Nîmes et Toulon en  passant par les remparts de Guérande ou plusieurs églises classées, les références de chantiers de monuments historiques abondent pour le martinet noir, un oiseau très représenté à Paris avec 3000 couples. L’installation de nichoirs intégrés, orientés au Sud-Est à au moins 8 m de haut, suppose une coordination en amont avec l’architecte. Mais comme pour les faucons crécerelle, la préservation des cavités et des trous de boulins constituent la première préconisation.

Parmi quatre espèces de chauves-souris recensées dans la cathédrale, la pipistrelle de Kuhl porte un message d’espoir : autrefois inconnue dans la capitale, elle a pris ses habitudes dans le monument. Son retour passe par l’aménagement d’accès à la « forêt » de la charpente : désigné sous le nom de « chiroptière », ce dispositif prend la forme de fentes de 2 cm d’épaisseur, dans la toiture. Cette ouverture suffit aux pipistrelles, tout en évitant l'intrusion des pigeons.

Changer les mentalités

L’adaptation de l’architecture ne suffit pas. La note technique consacre ses dernières pages aux espaces extérieurs, autour d’une idée force : desserrer la bride imposée à la nature. Ce parti se décline dans de nombreuses pratiques : fauches tardives, tolérance des flaques d’eau, espaces en friche, réemploi des résidus de tailles en paillage, absence d’élagages entre la mi-mars et la fin août.

L’acceptation de ces changements passe par la communication sous forme de conférences, ateliers ou panneaux pédagogiques. Les chantiers peuvent servir de support à l’évolution des mentalités, comme l’a montré l’association belge Natagora, partenaire de la LPO, dans un chantier de référence cité par la note technique : « une bâche d’information est fixée sur les échafaudages lors des travaux de couvertures et de charpente de l’église d’Ecaussines ».

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