Vous avez contribué aux travaux du groupe de travail N°2 du Giec, qui s’attache aux impacts du réchauffement climatique et à l’adaptation des sociétés. Quels sont les principaux enseignements à retenir pour le BTP ?
Gonéri Le Cozannet : Dans le chapitre 13, dédié à l’Europe, plusieurs graphiques sont particulièrement parlants pour le BTP. Le plus significatif est le 13.18 qui se trouve p 47, qui indique les coûts que les différents aléas climatiques vont infliger aux infrastructures critiques, c’est-à-dire, celles qui relèvent de l’énergie et des transports en particulier.

Actuellement, les coûts des risques climatiques s'évaluent autour de 3 milliards d’euros par an pour les infrastructures de transports (routes, ponts, tunnels….) au niveau du continent européen (hors Russie, Ukraine et Biélorussie). Dans un scénario d’émissions de gaz à effets de serre qui nous amènerait autour de 3 °C de réchauffement climatique global en 2100, ces coûts augmenteraient de manière très importante, autour de 6 milliards d’euros par an vers 2050, et 12 milliards d’euros par an en 2080. Il en va de même pour les infrastructures en lien avec l’énergie, comme les centrales nucléaires : les coûts sont aujourd’hui estimés à 2 milliards d’euros par an et passeraient à 5 milliards par an d’ici 30 ans.
Ce même document chiffre les coûts par aléa climatique et met en évidence les impacts des vagues de chaleur et des sécheresses, qui passent de presque 4 milliards d’euros par an dans les années 2020 à 9 milliards d’euros par an dans les années 2050. Même constat pour les sécheresses qui représentent 3 milliards d’euros par an à notre époque et coûteront 8 milliards en 2050 !
Dans le secteur de l’énergie, les coûts sont liés aux pertes de production, en particulier au fait que dans un climat plus chaud, l’eau s’évapore davantage en été, les sols sont plus secs et le niveau des rivières diminue, ce qui perturbe la gestion des centrales hydroélectriques et rend le refroidissement des centrales nucléaires plus difficile à réaliser.
Quelles sont les conséquences pour les zones côtières ?
Ce graphique pourrait laisser croire que les risques d’inondations auront peu d’impact sur les infrastructures côtières, mais il faut comprendre que si l’impact des inondations semble faible, c’est seulement en comparaison avec celui des vagues de chaleur. En réalité, l’impact des inondations va être multiplié par quatre par rapport aux années 1980.
L’enjeu pour les zones côtières est d’anticiper suffisamment à l’avance la construction des futures infrastructures. On le voit sur la « Figure Cross-Chapter Box SLR.1 » p 129 du chapitre 3 relatif aux océans et aux écosystèmes côtiers, quand on parle de relocalisation d’infrastructure, cela nécessite une planification plusieurs décennies à l’avance.
Par exemple, il faut environ 40 ans pour qu’une barrière estuarienne soit effectivement construite, cela signifie qu’il faut se préoccuper dès aujourd’hui du niveau de la mer en 2060 ou 2070, quand il aura augmenté de 30 cm par rapport à maintenant.
Quelles sont les mesures d’adaptation envisageables ?
Pour l’Europe, des options d’adaptation sont présentées dans la figure 13.19 ci-dessous (p 49 du chapitre 13). Il est important de noter que toutes ces mesures sont fortement liées les unes aux autres. Par exemple, les transports sont liés à l’énergie, mais aussi aux activités économiques et de loisir ainsi qu’aux zones urbaines.
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L’une des solutions pour les milieux urbains consiste à recourir aux écosystèmes urbains pour favoriser les infrastructures vertes et les services écosystémiques pour réduire l’effet d’ilot de chaleur urbain. Cela sera efficace tant qu’il n’y aura pas d’extrêmes de température car dans ce cas, la végétalisation elle-même ne résistera pas au maximales.