Le conseil doit rester indépendant

Gérard Aubert, conseil en immobilier d’entreprise

Réservé aux abonnés
Image d'illustration de l'article
PHOTO - HOR14 AUBERT.eps

Aujourd’hui, les trois leaders mondiaux du conseil en immobilier d’entreprise sont indépendants. Leurs actionnaires sont de « pure players » sans autre intérêt que financier dans leur participation au capital de ces groupes. Pour les Anglo-Saxons, la déontologie du conseil est incompatible avec l’appartenance à un groupe qui pourrait être tenté d’utiliser les connaissances ou le savoir-faire du conseiller à ses propres fins économiques. Il existerait alors un risque majeur de conflit d’intérêts. La rigueur anglo-saxonne va jusqu’à la représentation du vendeur et de l’acquéreur, ou du loueur et du locataire, par deux conseils distincts, de sorte qu’il y ait bien convergence entre la rémunération du mandataire et l’intérêt de son mandant.

Prévenir le conflit d’intérêts.En France, nous sommes encore bien loin de cette éthique du conseil. Le rachat récent ou l’intégration de plusieurs sociétés de conseil immobilier à un groupe bancaire le montre bien : une même société, filiale d’un grand groupe bancaire, est désormais en mesure de proposer tous les services de l’immobilier à ses clients : investissement, promotion, expertise, conseil… Cette situation est propice à conflit d’intérêts. Ajoutons à cela le fait que le conseil immobilier joue la plupart du temps le rôle d’intermédiaire entre le vendeur ou le loueur qui le mandate, et l’acquéreur ou le locataire qui le consulte, et nous avons tous les éléments favorables à une dérive ! Comment le conseil immobilier pourra-t-il rechercher en toute indépendance le bon compromis entre les parties quand il sera lié à l’une d’elles, le promoteur ou l’investisseur ?

Il ne s’agit pas de mettre en cause l’intégrité et le professionnalisme de ces conseils, mais de réfléchir à la manière de les préserver dans un contexte difficile. Notre profession est particulièrement exposée au risque de conflit d’intérêts et elle doit réagir pour le prévenir. Pour bien évaluer ce risque, rappelons ce qu’est un conflit d’intérêts. La personne morale ou physique se trouve tiraillée entre des intérêts opposés ou de nature telle qu’elle peut être portée à favoriser l’un d’entre eux. Il y a conflit si elle tire un avantage matériel ou financier, direct ou indirect, de l’opération pour elle-même ou pour autrui. Pour un agent immobilier appartenant à un groupe d’investissement ou de promotion immobilière, le cas peut se présenter si ses connaissances ou son savoir-faire servent à influencer le choix de son client au profit d’une autre filiale de son groupe, ce jusqu’à la concurrence déloyale. Le risque est d’autant plus grand que nos missions de conseil en immobilier d’entreprise exigent la collecte d’un grand nombre d’informations tant sur le projet du client (promoteur, investisseur ou utilisateur) que sur le produit ciblé et l’état du marché. Ces études permettent de définir le positionnement et la stratégie du projet, données hautement confidentielles. La phase de marketing est tout aussi sensible car elle permet d’identifier un certain nombre de prospects.

Comment garantir la confidentialité de ces informations ? Suffira-t-il d’enrichir les règles déjà édictées par notre profession au sein de la FNAIM Entreprises ? Faut-il envisager la création d’un ordre des conseils en immobilier et d’un code de déontologie pour veiller aux bonnes pratiques ? Il est urgent de nous poser ces questions afin d’instaurer des règles de communication sur le marché de l’immobilier d’entreprise. Nous devons nous interroger sur la pertinence de nos modes de rémunération si nous ne voulons pas être confrontés à une affaire de commissions occultes comme en connaît actuellement le milieu de l’assurance. Nous devons amener progressivement nos clients à distinguer nos activités de conseil et de commercialisation jusque dans leur rémunération même. Chez CB Richard Ellis Bourdais, nous avons pour cela une structure de consulting. Nous devons réfléchir à la manière de lever l’ambiguïté qui pèse sur nos commissions. Notre mandat nous autorise à être payé non pas par notre mandant mais par l’autre partie. S’il est entendu que cette commission est déduite du gain de notre mandant et que cela est justifié par la valorisation que nous avons faite de son bien par notre savoir-faire, il faut admettre que cette situation peut accroître le risque de conflit d’intérêt. Elle se prête, en effet, au versement de commissions occultes.

Construire notre chartedéontologique. Nous ne parviendrons à une plus grande transparence de notre rémunération que par une meilleure définition de nos missions et de nos relations avec nos clients. Peut-être devons-nous nous inspirer des pratiques de nos confrères étrangers pour construire notre charte déontologique ? Sans doute devrons-nous convaincre nos clients utilisateurs de nous mandater pour garantir la convergence de nos intérêts respectifs. D’aucuns proposent de conseiller les entreprises pour leur immobilier, arguant de leur indépendance vis-à-vis des propriétaires. Engouffrons-nous dans cette brèche car elle révèle un besoin émergent ! N’attendons pas que survienne un contentieux pour mettre plus de formalisme et de transparence dans nos pratiques ! Suivons l’exemple d’autres professions de conseil et de services et concertons-nous pour mieux régir notre métier.

Image d'illustration de l'article
PHOTO - HOR14 AUBERT.eps PHOTO - HOR14 AUBERT.eps
Abonnés
Baromètre de la construction
Retrouvez au même endroit tous les chiffres pour appréhender le marché de la construction d’aujourd'hui
Je découvreOpens in new window
Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires